Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman Sachs, prévoit de quitter prochainement la prestigieuse banque d'affaires américaine après douze ans de règne marqués par une sortie sans dommages de la crise financière malgré des pertes colossales pour certains clients.
A la tête de l'établissement depuis 2006, M. Blankfein, 63 ans, devrait lui-même officialiser son départ qui pourrait intervenir d'ici la fin de l'année, a rapporté vendredi 9 mars le Wall Street Journal citant des sources anonymes. Pour le remplacer, Goldman Sachs regarde en interne selon le quotidien, expliquant que les deux favoris sont Harvey Schwartz, 52 ans, et David Solomon, 54 ans. Ces derniers avaient été faits en décembre 2016 dauphins avec le titre de «co-présidents» et assument actuellement les fonctions de co-directeurs généraux délégués. «Je ne serai pas surpris qu'on passe d'une co-présidence à une co-direction générale», estime Richard Bove, un des experts du secteur financier les plus respectés à Wall Street. Le directeur financier Martin Chavez, 54 ans, est également considéré comme un successeur potentiel.
Contactée par l'AFP, Goldman Sachs s'est refusée à tout commentaire. «C'est l'annonce du WSJ... et non la mienne. J'ai l'impression d'entendre mon éloge funèbre», a réagi pour sa part sur son compte Twitter Lloyd Blankfein.
It's the @WSJ's announcement...not mine. I feel like Huck Finn listening to his own eulogy.
— Lloyd Blankfein (@lloydblankfein) 9 mars 2018
L'heure de la retraite ?
Deux sources proches du dossier ont indiqué à l'AFP que le départ de Lloyd Blankfein était en effet discuté en interne mais qu'aucun calendrier n'avait encore été arrêté. Son départ pourrait intervenir dans un ou deux ans, ont-elles dit. Toutes les hypothèses sont plausibles, selon ces sources qui ont requis l'anonymat. «Il (Lloyd Blankfein) aime plaisanter que chaque jour qui passe le rapproche un peu plus de la retraite», a dit à l'AFP une des sources.
Ces informations, tombées en plein milieu de la séance boursière, ont fait dévisser l'action Goldman Sachs à Wall Street mais celle-ci s'est par la suite reprise en finissant en hausse de 1,66%. Elles interviennent quelques jours après le départ de la Maison Blanche de Gary Cohn, l'ancien bras droit de Lloyd Blankfein. M. Cohn, 57 ans, avait accepté en 2017 de devenir le conseiller économique du président Donald Trump après avoir échoué à pousser M. Blankfein vers la sortie.
«Gary ne pourra pas revenir chez Goldman Sachs», estime William Cohan, un ancien banquier d'affaires, devenu auteur de livres à succès sur les arcanes de Wall Street. «Il a essayé de prendre le poste de Lloyd avant de rejoindre Washington et ça n'a pas marché».
«Il y a beaucoup de gens brillants en interne, qui sont en train de façonner un nouveau modèle économique pour la banque. Ils n'ont pas besoin de Gary», renchérit Richard Bove. Pour les deux experts, un retour de Gary Cohn pourrait causer des tensions en interne et laisser «des traces indélébiles». Peu d'ex «Goldman Boys» sont revenus au bercail après avoir quitté l'établissement. Récemment Dina Powell, qui avait rejoint l'administration Trump, a été réembauchée mais ce recrutement suscite des remous en interne, selon une source proche.
Un PDG controversé
Fils d'un postier de Brooklyn, Lloyd Blankfein, ancien avocat fiscaliste entré chez Goldman Sachs en 1982, est crédité d'avoir aidé l'institution à faire face à la crise des «subprime» qui a entraîné la faillite de sa rivale Lehman Brothers. Mais le durcissement de la réglementation financière a affecté ces deux dernières années la rentabilité des activités spéculatives, force traditionnelle de Goldman Sachs. Au quatrième trimestre 2017, l'institution a enregistré sa première perte trimestrielle depuis 2011, de l'ordre de 2,14 milliards.
M. Blankfein, un ancien trader de matières premières, a vaincu récemment un cancer du système lymphatique diagnostiqué en 2015 et est, après Sydney Weinberg, mort en 1969, le patron qui est resté le plus longtemps aux commandes chez Goldman Sachs. A Wall Street, seul Jamie Dimon chez JPMorgan Chase, peut se targuer d'une longévité équivalente. M. Dimon, PDG depuis 2005, a annoncé en janvier qu'il restera encore en poste pendant 5 ans.
Les détracteurs de Lloyd Blankfein lui reprochent de n'avoir pas recentré la banque en dépit de la perte de vitesse du courtage. Goldman Sachs aurait dû racheter une grande banque commerciale ou, comme Morgan Stanley, donner la priorité aux activités de gestion de grosses fortunes et de conseils aux entreprises, avancent-ils. «Toute décision majeure prise par Lloyd Blankfein a été mauvaise», fustige Richard Bove.
M. Blankfein a récemment lancé Goldman Sachs dans la banque de détail avec «Marcus», une plateforme de prêts et de dépôts en ligne, et fait le pari de faire des crypto-monnaies comme le bitcoin des produits financiers classiques malgré des mises en garde des régulateurs.