Le royaume multiplie les annonces en faveur de l'émancipation des femmes, mais ne desserre pas son emprise politique.
Une nouvelle réforme tout en symboles. Depuis dimanche, en Arabie Saoudite, les femmes sont désormais libres de créer leurs propres entreprises, sans solliciter le consentement d’un tuteur masculin.
Ce nouveau signe envoyé par le royaume wahhabite en direction des Saoudiennes s’inscrit dans une longue série de réformes initiée par le jeune et puissant prince héritier Mohammed Ben Salmane, au pouvoir depuis le 21 juin 2017, pour les inclure davantage dans la vie publique.
Une apparente libéralisation sociale, qui va de pair avec la nécessaire ouverture de l’économie de Ryad, qui ne peut plus simplement compter sur le pétrole.
Une modernisation enclenchée ?
Aux manettes de l’Arabie Saoudite depuis à peine sept mois, Mohammed Ben Salmane a tout de suite affiché son désir de changement. «Nous n’allons pas passer trente ans de plus à nous accommoder d’idées extrémistes, nous allons les détruire maintenant», avait-il proclamé en octobre dernier, lors du forum économique de Ryad.
Dès lors, l’homme fort du royaume a enchaîné les réformes sociétales pour rendre son pays «modéré et tolérant» : de l’ouverture des premières salles de cinéma (après trente-cinq ans d’interdiction), en passant par l’autorisation des femmes à conduire, jusqu’à la possibilité pour ces dernières d’entrer dans quelques stades de football.
Une série d’annonces qui vise aussi à stimuler la participation des Saoudiennes à la vie publique du royaume, et ainsi porter la force de travail féminine à 30 % d’ici à 2030, contre 22 % actuellement.
Car les velléités de Salmane pour changer l’image de sa pétromonarchie sont d’abord économiques. Ryad accuse un déficit de 67,8 milliards d’euros (soit 15 % du PIB), et un tiers de sa jeunesse (qui représente 75 % de sa population) est au chômage.
Avec son plan économique «Vision 2030», le royaume entend ainsi diversifier et privatiser son économie, qui bientôt ne pourra plus compter sur sa rente en or noir.
Pour survivre à l’après-pétrole, Salmane veut donc créer des millions d’emplois et fourmille de projets titanesques, tels la création de Neom, une mégalopole futuriste de la taille de la Bretagne, sur les bords de la mer Rouge. Une cité écologique, dont le coût est estimé à 425 milliards d’euros, où l’administration serait virtuelle et où les Saoudiennes travailleraient sans voile.
Les dessous d'un changement
Mais ces évolutions cacheraient d’autres réalités. D’une part, sur le plan sociétal, les restrictions restent nombreuses. Les femmes doivent encore, par exemple, avoir l’aval de leur tuteur pour partir en vacances.
D’autre part, l’image de progressisme affichée par Mohammed Ben Salmane dissimulerait, selon les observateurs, une volonté de concentrer les pouvoirs.
Ainsi, certains projets touristiques, dans l’est du pays, seraient un moyen, pour le gouvernement sunnite, de se débarrasser des populations chiites sur place.
En octobre 2017, Amnesty International a redit son inquiétude, quant à la violation des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Aucune amélioration n'est à constater depuis la nomination de Salmane.
«Sous couvert de développement, le régime saoudien pratique un nettoyage ethnique», dénonce ainsi, sur Twitter, Madawi Al-Rasheed, professeure saoudienne d’anthropologie sociale à Londres.
Dans cette même optique, le prince héritier a fait le ménage au sein de l’élite du pays, en organisant une purge anti-corruption. Preuve que l’ouverture n’est, pour l’heure, que très relative.