Le règne du président du Zimbabwe Robert Mugabe ne semblait plus dimanche tenir qu'à un fil après les manifestations de la veille exigeant son départ et la perte de ses derniers soutiens au sein de son parti, qui l'a écarté de sa direction et a exclu sa femme.
Jusque-là un des piliers de son régime, les anciens combattants de la guerre d'indépendance, très influents, lui ont lancé un ultimatum sans équivoque dimanche.
«Il ferait mieux de renoncer», a lancé leur chef, Chris Mutsvangwa, «s'il ne le fait pas, l'armée doit en finir avec lui aujourd'hui».
Depuis le coup de force de l'armée qui l'a placé mercredi en résidence surveillée, Robert Mugabe, 93 ans, a catégoriquement refusé de quitter la présidence. Il devait s'entretenir dimanche une deuxième fois avec les militaires aux commades du pays, qui tentent de lui arracher une reddition en douceur. «Il cherche à trouver une sortie digne», a expliqué M. Mutsvangwa.
La direction du parti présidentiel, la Zanu-PF, s'est réunie dans la matinée pour se prononcer sur la révocation de son chef Robert Mugabe et la destitution de son épouse Grace, présidente de la puissante ligue des femmes du parti.
A l'issue de cette réunion, une source à annoncé à l'AFP que Robert Mugabe était démis de la présidence de la Zanu-PF «Une résolution a été adoptée pour démettre le président et le remplacer par Mnangagwa», a déclaré cette source, sous couvert d'anonymat. Emmerson Mnangagwa a par ailleurs été désigné candidat à la présidentielle de 2018 par la Zanu-PF.
Un porte-parole de la Zanu-PF a par ailleurs annoncé l'exclusion de la première Dame, Grace Mugabe : «Grace est sur la liste des personnalités qui vont être exclues du parti», a déclaré, sous les applaudissements, Simon Khaya Moyo.
Avant-même le coup d'envoi de cette séance cruciale, l'influente ligue des jeunes du mouvement a donné le ton et «exigé» la démission de chef de l'Etat de la présidence de la République et «l'expulsion à tout jamais» de son épouse.
La pression n'a jamais été aussi forte sur le président Mugabe, qui dirige le pays d'une poigne de fer depuis trente-sept ans.
Samedi, le pays a connu l'une des plus grandes manifestations jamais organisées depuis son indépendance en 1980.
«Repose en paix»
Des dizaines de milliers de personnes de tout bord politique - partisans de la Zanu-PF comme de l'opposition - ont déferlé dans les rues d'Harare pour appuyer l'intervention de l'armée et demander au vieux dirigeant de partir.
«Repose en paix Mugabe», «Non à la dynastie Mugabe», «L'armée du Zimbabwe, voix du peuple», proclamaient des affiches brandies par des manifestants euphoriques.
L'armée est intervenue dans la nuit de mardi à mercredi après la destitution le 6 novembre du vice-président Emmerson Mnangagwa, ennemi juré de la Première dame.
Les militaires n'ont pas accepté la perspective que Grace Mugabe se retrouve en position de favorite pour succéder, le moment venu, à son mari, le plus vieux dirigeant en exercice au monde.
«Il est fâcheux que le président lui ait permis d'usurper son autorité, détruisant ainsi le parti et le gouvernement», a déploré dimanche la ligue des jeunes du parti.
Grace Mugabe et ses «proches associés ont profité ces cinq dernières années de la santé fragile du président pour piller», a renchéri dimanche un cadre du parti, Obert Mpofu, en ouvrant la réunion de sa direction.
«Respect et dignité»
Son adversaire, Emmerson Mnangagwa, est désormais pressenti pour prendre la tête d'une éventuelle transition politique. A 75 ans, cet ancien fidèle du président Mugabe n'a pas été vu en public depuis son éviction.
Mais ses portraits ont été acclamés samedi dans les rues de la capitale, où des manifestants arboraient fièrement tout objet en forme de crocodile, le surnom de l'ancien vice-président.
Jusqu'à présent, l'armée tente de négocier à l'amiable le départ du président Mugabe. Elle l'a même laissé se rendre vendredi à une cérémonie de remise de diplômes universitaires à Harare.
L'armée tente de «le traiter avec respect et dignité», selon Anthoni van Nieuwkerk de l'université de Witwatersrand à Johannesburg, afin de mettre au plus vite un terme à ce coup de force militaire.
L'affaire n'est pas cependant aisée. Le «camarade Bob» a la réputation d'être coriace et un fin tacticien. Avant la crise, il avait déjà annoncé son intention de briguer un nouveau mandat lors d el'élection présidentielle en 2018.
Il a plongé le pays dans une crise économique abyssale. Le pays manque cruellement de liquidités, obligeant les citoyens à faire la queue pendant de longues heures devant les banques, et affiche un taux de chômage d'environ 90%.