La Cour pénale internationale (CPI) doit rendre mercredi sa décision sur la demande de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo d'être libéré pour le reste de son procès pour crimes contre l'humanité lors de violences post-électorales ayant déchiré la Côte d'Ivoire en 2010-2011.
Premier ex-chef d’État remis à la CPI, Laurent Gbagbo avait fait appel en mars de la décision de la Cour de le maintenir en détention à La Haye pendant toute la durée du procès. L'ancien président, âgé aujourd'hui de 72 ans, et Charles Blé Goudé, ancien chef du mouvement des Jeunes patriotes fidèles à Laurent Gbagbo, sont accusés de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains. Les deux hommes ont plaidé non coupable.
Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois, entre décembre 2010 et avril 2011, dans les deux camps, lors de cette crise née du refus de l'ex-chef de l'Etat de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de la présidentielle de 2010. Cette crise, émaillée d'exactions perpétrées par les deux camps, avait paralysé pendant plusieurs mois ce pays, premier producteur mondial de cacao et moteur économique de l'Afrique de l'Ouest.
Un procès de trois à quatre ans
Le procès, qui devrait durer trois à quatre ans, s'est ouvert le 28 janvier 2016 à La Haye. L'accusation a alors affirmé que l'ancien président s'était accroché au pouvoir «par tous les moyens», tandis que la défense a accusé Alassane Ouattara d'avoir pris le pouvoir par la force avec l'aide de la France, ancien pays colonisateur.
Laurent Gbagbo, dont la santé est «fragile», selon ses avocats, avait été livré à la CPI en 2011. Charles Blé Goudé l'avait été en 2014. L'ex-président ivoirien est accusé d'avoir fomenté une campagne de violences pour tenter, en vain, de conserver le pouvoir. Charles Blé Goudé aurait, lui, été à la tête d'hommes ayant tué et violé des centaines de personnes dans le but de maintenir Laurent Gbagbo à la tête du pays.
«Risque de fuite»
En mars, la défense avait de nouveau demandé la libération conditionnelle de l'ancien chef d'Etat, arguant qu'il était «déjà détenu depuis presque six ans» et qu'il souffrait de «maladies qui l'affectent tant physiquement que psychologiquement». L'accusation avait réfuté que l'ancien président disposait toujours d'un réseau important de militants et qu'il pourrait profiter d'une éventuelle libération pour «s'enfuir vers un territoire hors de la compétence de la Cour».
Les juges avaient alors décidé à deux contre un de le maintenir en détention. Seul le juge Cuno Tarfusser avait exprimé un point de vue divergent, faisant valoir que la détention avait «excédé le seuil d'une durée raisonnable et que, vu son âge et son état de santé, le risque qu'il prenne la fuite pour échapper à la justice devient de plus en plus improbable».
Son avocat, Emmanuel Altit, a déclaré à l'AFP que la défense attend que la chambre d’appel «dise le droit», soulignant qu'un maintien en détention devait se faire selon des critères très précis et que les juges en première instance n'avaient pas réussi à prouver que le risque de fuite existait. «Le président Gbagbo veut éclaircir la vérité. Il veut montrer quelle était la réalité des événements et quelle est la réalité de l’implication des différents réseaux, notamment les autorités françaises», a déclaré M. Altit.
Selon les militants des droits de l'homme, il est peu probable que Laurent Gbagbo soit libéré. «Il y a un risque de fuite», a estimé Carrie Comer, de la Fédération internationale des droits de l'homme, soulignant «la gravité des crimes dont il est accusé».