Charles Blé Goudé, un proche de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, rejoint samedi son mentor à la Cour pénale internationale (CPI), qui l'accuse, comme son aîné, de crimes contre l'humanité.
L'ex-chef des "jeunes patriotes", un mouvement pro-Gbagbo extrêmement violent, "a été transféré à la CPI ce jour", a fait savoir le gouvernement à la télévision nationale, ce qu'a aussitôt confirmé la Cour.
M. Blé Goudé, surnommé "général de la rue" pour sa capacité de mobilisation, "a été remis à la CPI par les autorités de la Côte d'Ivoire", selon un communiqué de la juridiction internationale.
"Il est en cours de transfert au quartier pénitentiaire de la CPI", selon la même source.
D'après la porte-parole ajointe du gouvernement, Affoussiata Bamba, jointe par l'AFP, le greffe de la Cour est venu chercher le prévenu à Abidjan.
L'avion "affrété par la CPI" a décollé à 10H03 GMT de la capitale économique ivoirienne. Selon une estimation de l'AFP, il devrait donc atterrir entre 15H00 et 17H00 aux Pays-Bas où la CPI est basée à La Haye.
Charles Blé Goudé est considéré par ses détracteurs et par les ONG internationales comme l'un de ceux qui ont le plus contribué aux violences durant la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011.
La juridiction internationale le soupçonne de quatre chefs d'accusation de crimes contre l'humanité --meurtre, viol, persécution et autres actes inhumains--, commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
"Nous avons franchi une nouvelle étape dans la recherche de la vérité au sujet de l’un des épisodes les plus sombres de violences commises à grande échelle ces dernières années", s'est réjouie Fatou Bensouda, le procureur de la CPI.
M. Blé Goudé, arrêté en janvier 2013 au Ghana après plus d'un an et demi de cavale, retrouvera donc Laurent Gbagbo, écroué depuis fin 2011 à La Haye en attente de son procès pour crimes contre l'humanité.
L'avocat israélien Nicholas Kaufman le représentera à la CPI, a déclaré à l'AFP Claver Ndri, son défenseur en Côte d'Ivoire, qui a regretté de ne pas avoir été "convié" à l'aéroport samedi pour accompagner son client.
- "Pas peur" -
"Si nous sommes respectueux de la loi, nous n'avons pas peur", a estimé Me Ndri, ajoutant que les juges ivoiriens n'avaient pas présenté "grand-chose" contre Charles Blé Goudé, pourtant "si recherché".
"On attendait des preuves pendant des heures. Mais on tournait en rond", a estimé l'avocat, visiblement confiant.
Le conseil des ministres a accepté jeudi le transfèrement de l'accusé, âgé de 42 ans, dont le mandat d'arrêt, émis le 21 décembre 2011, avait été rendu public par la CPI en octobre.
La décision d'Abidjan divise le pays, l'opposition pro-Gbagbo accusant le pouvoir d'Alassane Ouattara de signer la fin de la réconciliation.
La Côte d'Ivoire a connu une décennie de crise politico-militaire, qui a culminé avec les violences postélectorales de 2010-2011, lorsque M. Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite à la présidentielle de 2010 face à l'actuel chef de l'Etat.
Plus de 3.000 personnes avaient été tuées durant cette crise.
Abidjan a refusé en septembre le transfèrement à la CPI de Simone Gbagbo, arguant que le renouveau de son système judiciaire, pourtant défaillant, lui permettait de juger en Côte d'Ivoire la femme de l'ex-président, qui doit aussi répondre de "crimes contre l'humanité".
Mais les autorités, qui en appellent régulièrement à la "souveraineté nationale", n'ont pas retenu cet argument pour M. Blé Goudé.
Nombre d'observateurs craignent qu'Abidjan soit tombé dans un "piège" en livrant ce prévenu.
Car des pro-Ouattara se sont également rendus coupables d'exactions pendant la crise postélectorale. Certains chefs de guerre, aujourd'hui aux plus hauts postes des forces de sécurité, seraient visés par la CPI, affirment des connaisseurs du dossier.
"Ce n’est pas la fin de notre travail en Côte d'Ivoire", a affirmé le procureur Bensouda.
Et d'ajouter : "si la situation le justifie, nous présenterons d’autres affaires devant les juges de la CPI sans crainte ou sans traitement de faveur, et quel que soit le bord ou l’appartenance politique des auteurs des crimes."