Donald Trump a-t-il ordonné à l’ancien chef du FBI d’arrêter son enquête sur les liens entre l’équipe de campagne du président et les renseignements russes ?
C’est la question que tente d’éclaircir aujourd’hui la commission du renseignement du Sénat en auditionnant James Comey, limogé mi-mai par Donald Trump, lors d’une séance scrutée de près par le monde entier.
Dans une lettre de pré-audition adressée hier au Congrès, James Comey a confirmé cette hypothèse, créant un véritable séisme dans la politique américaine. L’ingérence gouvernementale dans une enquête fédérale est en effet appelée une «obstruction à la justice», ce qui est un motif de destitution pour le président des Etats-Unis.
«Aucun doute» sur l'ingérence russe dans la campagne
En arrivant à l'audition, James Comey a prévenu d'entrée de jeu qu'il ne reviendrait pas sur son témoignage écrit de la veille. Il a toutefois affirmé qu'il n'avait «aucun doute» sur le fait que la Russie était intervenue dans la campagne électorale, et était tout aussi certain que le gouvernement russe était «pleinement conscient» de cette ingérence.
Dénonçant des requêtes «dérangeantes» de la part de Trump, Comey a en revanche affirmé que le président ne lui avait pas explicitement ordonné de stopper l'enquête, tout en précisant qu'il l'avait interprété comme «une instruction», et que Trump «cherchait [son] ingérence». «Ce n'est pas à moi de juger si Trump a entravé la justice», a-t-il également commenté avant de rapporter les paroles précises du chef de l'Etat: «J'espère que vous pourrez trouver une façon d'abandonner cela, de lâcher Flynn. C'est un homme bien».
Interrogé sur les raisons qui l'ont poussé à coucher sur papier toutes ses conversations avec le président américain, James Comey a répondu qu'il craignait que Trump mente à ce sujet. Il a ensuite admis avoir organisé la fuite de ces notes à la presse.
Peu de chances de destitution
Par cette audition, James Comey a eu l'occasion d'évoquer publiquement sa relation avec Donald Trump. Il a largement détaillé le rapport de force que le président américain aurait tenté de créer, malgré l'interdiction de cette pratique. Toutefois, la formulation de la phrase par laquelle Trump a exhorté l'ex-chef de la police fédérale de ne pas insister sur l'enquête n'étant pas explicite, il sera compliqué pour les détracteurs du président de démontrer une «obstruction à la justice», seul motif de destitution qui pendait véritablement au nez de Trump avant la séance.
Par ailleurs, l'audition a montré que les Sénateurs républicains avaient plutôt pris position pour défendre leur président, comme en témoignent leurs questions cherchant à déstabiliser James Comey ou à détourner l'attention. En plus d'une faute grave et prouvée, une majorité politique est également nécessaire pour enclencher la procédure d'impeachment. Une destitution de Donald Trump est donc peu probable pour le moment.
Tout n'est pas scellé pour autant, car l'audition de James Comey doit se poursuivre à huis-clos. Ce sera l'occasion pour l'ancien chef du FBI de répondre à toutes les questions auxquelles il a affirmé "ne pas pouvoir répondre en public" lors de cette première séance.
«J'ai été confus en apprenant à la télé que j'étais viré»
L'ex-directeur du FBI est également revenu sur son renvoi, auquel il ne s'attendait pas. «Bien que j'ai été élu pour dix ans, je savais que je pouvais être viré par n'importe quel président et pour aucune raison précise», a-t-il déclaré. «Mais le président Trump me répétait que je faisais du bon travail, et que j'étais très apprécié. J'ai donc été confus en apprenant à la télévision que j'étais viré. Ca n'avait pas de sens», a raconté l'ancien chef du FBI. «L'administration Trump a ensuite choisi de nous diffamer, le FBI et moi».
Quant aux raisons qui auraient poussé Trump à le renvoyer, James Comey affirme ne pas savoir précisément. "Je suppose que c'est lié à la façon dont j'ai mené cette enquête", a-t-il simplement répondu.
Hommage à ses collègues
James Comey a introduit son audition par un hommage à ses anciens collègues du FBI. «Je suis vraiment désolé de n'avoir eu une chance de vous dire au revoir de façon correcte», leur a-t-il adressé à travers la caméra braquée sur lui.
«Le FBI ira bien sans moi. Ses missions seront poursuivies par ses agents. L'organisation en elle-même continuera, ses mission aussi, même sans moi, et sous n'importe quelle administration», a ensuite déclaré l'ancien chef de la police fédérale. «Le FBI est honnête, fort, et sera à jamais indépendant».