L'administration américaine se trouvait jeudi de nouveau dans l'embarras après la publication par Moscou de photos gênantes d'une rencontre à huis clos entre le président Donald Trump et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
Les clichés montrent un Donald Trump souriant en train de serrer la main de Sergueï Lavrov et de l'ambassadeur russe à Washington Sergueï Kisliak, posant également à leurs côtés, lors d'une rencontre mercredi dans le prestigieux Bureau ovale.
Cet entretien était déjà perçu comme un joli coup diplomatique pour le Kremlin : un accueil avec tapis rouge à peine quelques mois après la mise en place de sanctions américaines contre la Russie pour son ingérence dans l'élection présidentielle de 2016. Des diplomates expérimentés s'interrogeaient jeudi sur les raisons pour lesquelles le président avait accepté de recevoir les deux dignitaires russes, un honneur d'ordinaire réservé aux chefs d'Etat et d'autant plus mal venu qu'ils sont au coeur même d'un vaste scandale politique aux Etats-Unis.
L'administration reste en effet engluée dans des accusations de collusion entre l'entourage de Donald Trump et des responsables russes, dont Sergueï Kisliak, pour favoriser sa candidature face à sa concurrente démocrate Hillary Clinton. Trois enquêtes, au Congrès et au FBI, sont en cours à ce sujet. La diffusion de ces photos participe à l'impression que la Russie a remporté une victoire diplomatique et que la Maison Blanche a été manipulée.
«Félicitations Kollegi (collègues) d'avoir obtenu ces photos! Enorme coup», a déclaré Michael McFaul, ex-ambassadeur américain à Moscou. Ces photos ont été postées par le ministère russe des Affaires étrangères sur son compte Flickr.
You really think @jkirchick these guys discussed annexation of Crimea, massacres in Aleppo, attacks on @navalny or meddling in US elections? pic.twitter.com/tI7QL5zbLf
— Michael McFaul (@McFaul) 11 mai 2017
«Le format de l'opération-photo ne permet pas de prendre des photographies à l'insu des personnes», a relevé Maria Zakharova, porte-parole du ministère, sur sa page Facebook. «La partie américaine n'avait pas demandé de ne pas publier ces photographies», a-t-elle relevé.
Garder la tête haute
En public, la Maison Blanche tente de garder la tête haute : «Il est normal qu'il rencontre le ministre des Affaires étrangères», a déclaré Sarah Huckabee Sanders, porte-parole de l'exécutif, vilipendant les critiques. Mais, en privé, les responsables de la Maison Blanche bouillaient face à ce qu'ils considéraient comme un abus de confiance.
Selon eux, le président russe Vladimir Poutine a réclamé cette rencontre entre son ministre et Donald Trump, en réciproque à son récent entretien avec le secrétaire d'Etat Rex Tillerson à Moscou. La Maison Blanche avait été informée qu'un photographe officiel russe serait présent, laissant entendre que les clichés seraient pour les archives mais n'avaient pas vocation à être diffusés immédiatement.
Fureur en coulisses
«Notre photographe officiel et le leur étaient présents, c'est tout», a indiqué un assistant peu après la rencontre. Mais lorsque les images ont été publiées dans le monde entier par l'intermédiaire d'un média public russe, la fureur s'est emparée de la Maison Blanche d'avoir ainsi été trompée. Deux responsables ont reconnu ne pas avoir été prévenus de leur publication.
L'amiral Mike Rogers, directeur du service d'écoute et d'espionnage NSA, a indiqué jeudi lors d'une audition au Congrès, ne pas avoir été personnellement consulté concernant un éventuel risque de cyber-intrusion ou de piratage des communications lié à cet entretien dans le Bureau ovale, et ne pas avoir connaissance que la NSA ait été consultée.
Cette rencontre est intervenue quelques heures après le limogeage surprise par le président américain du patron du FBI James Comey, dont les services sont chargés d'enquêter sur l'éventuelle collusion entre la campagne Trump et les Russes. La présence dans le Bureau Ovale de Sergueï Kisliak n'a fait qu'exacerber le malaise puisque ses contacts avec plusieurs proches de Donald Trump sont au coeur des soupçons de collusion.