Les discussions de Genève ont pris fin avec l'acceptation par les belligérants syriens d'un «agenda clair» incluant la gouvernance et la lutte contre le terrorisme, et l'ONU prévoit un nouveau rendez-vous en mars.
Après un peu plus d'une semaine de discussions difficiles, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a fait vendredi soir le bilan de ce quatrième round de négociations. «Le train est prêt, il est en gare, les moteurs chauffent. Tout est prêt, il a juste besoin d'un accélérateur», a déclaré M. de Mistura.
«Je crois que nous avons à présent un agenda clair devant nous», a indiqué l'émissaire. «Nous avons discuté de procédure, mais nous avons aussi discuté de substance», a-t-il dit. Ce diplomate chevronné, dont l'optimisme chronique bute depuis près de trois ans sur le du conflit syrien, a prévu de se rendre la semaine prochaine au Conseil de sécurité de l'ONU à New York.
Ensuite, a-t-il dit, «nous aurons Astana (...) pour consolider le cessez-le-feu, et puis à nouveau Genève», en mars. La Russie, alliée de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles, parrainent en effet depuis fin décembre un processus parallèle de négociation à Astana (Kazakhstan), centré sur les questions militaires.
Si huit jours de discussions à Genève n'ont pas permis d'avancée majeure, de tous petits pas ont été accomplis, et aucun des belligérants n'a pris le risque de claquer la porte. Le médiateur de l'ONU a enchaîné les rendez-vous avec toutes les parties: la délégation du régime, celle du Haut comité des négociations (HCN, principale délégation de l'opposition), et les opposants proches de la Russie, le «Groupe du Caire» et le «Groupe de Moscou».
Les pourparlers n'ont en effet pas permis d'entamer des discussions directes entre les belligérants. Les deux parties se sont simplement fait face lors de la cérémonie d'ouverture jeudi dernier, dans une ambiance polaire.
A l'issue des négociations, Bachar al-Jaafari, l'austère chef de la délégation du régime, a quitté l'ONU sans s'adresser aux médias, tandis que le chef des négociateurs de l'opposition syrienne, Nasr al-Hariri, a jugé cette session «plus positive».
Terrorisme et transition politique
Les discussions ont essentiellement porté sur des questions d'agenda mais ont permis, pour la première fois, d'obtenir un «agenda clair» en quatre points, selon Staffan de Mistura. Le gouvernement avait insisté à plusieurs reprises ces derniers jours sur sa volonté d'ajouter la lutte contre le terrorisme aux trois autres éléments prévus par l'émissaire avant le début des négociations, à savoir la gouvernance - thème flou pour évoquer une transition politique -, la Constitution, et les élections. Il a obtenu gain de cause.
Ces quatre sujets seront discutés «en parallèle», a assuré l'envoyé spécial, mais les questions de stratégie contre le terrorisme seront discutées à Genève tandis que la partie opérationnelle de la lutte contre le terrorisme sera abordée à Astana.
Pression russe
Les pourparlers de Genève visent à mettre fin à la guerre en Syrie, qui a fait plus de 310.000 morts et des millions de réfugiés alors que le conflit va entrer le 15 mars dans sa septième année. Trois sessions de discussions en 2016 s'étaient soldées par un échec, en raison des violences sur le terrain et de l'insistance du régime à parler de terrorisme, quand l'opposition réclamait des discussions sur une transition politique.
Mais les positions se sont nuancées, sous l'influence de l'acteur majeur du dossier, Moscou. Présent à Genève pour le Conseil des droits de l'Homme, le ministre adjoint des Affaires étrangères russes, Guennadi Gatilov, a rencontré la délégation du régime, et, fait sans précédent, celle du HCN.
La Russie intervient militairement en Syrie depuis septembre 2015 et a permis au régime du président Bachar al-Assad de se renforcer sur le terrain. Elle tire aussi les ficelles sur le plan politique, en l'absence des Etats-Unis, dont le président Donald Trump n'a donné jusqu'à présent aucun signe d'implication dans la recherche d'un règlement du conflit syrien.
Et les pressions russes semblent avoir payé, puisque pour la première fois le régime a annoncé publiquement à Genève qu'il était prêt à discuter des trois thèmes politiques fixés par M. De Mistura. La pression de Moscou s'est exercé aussi sur l'opposition. Jeudi, la porte-parole de la diplomatie russe a accusé le HCN de «saboter» le processus de Genève, intimant implicitement à l'opposition d'intégrer en son sein les représentants des groupes du Caire et de Moscou.