En décidant unilatéralement le retrait des troupes russes de Syrie, Vladimir Poutine a une nouvelle fois fait montre de sa totale indépendance sur le plan diplomatique.
Cinq mois après le début de cette intervention aérienne de soutien à Bachar al-Assad - officiellement contre Daesh, en pratique contre tous les opposants armés au régime - ce retrait désarçonne les observateurs. S’agit-il d’un réel désengagement ou d’un simple repli tactique ? Pour Vladimir Poutine, cette décision présente quoi qu’il en soit plusieurs avantages.
Un gage de bonne volonté à l’intention des Occidentaux
Alors que des négociations intersyriennes indirectes se tiennent actuellement à Genève, la fin de l’opération russe permet à Moscou de montrer son engagement en faveur d’une solution diplomatique. Américains et Européens n’ont en effet eu de cesse de critiquer les bombardements russes, reprochant au pays d’envenimer le conflit.
A lire aussi : La Russie a démarré son retrait de Syrie
La fin de l’intervention permet de couper court à cette rhétorique. Elle vient au contraire confirmer les bonnes intentions exprimées à l’occasion du cessez-le-feu du 22 février dernier, plutôt respecté depuis son entrée en vigueur le 27.
Un avertissement à l’égard de Bachar al-Assad
Si l’opération russe a permis de renverser le rapport de force sur le terrain, Vladimir Poutine n’a jamais envisagé de reconquérir toute la Syrie. Cet objectif, affiché par le régime, devra être poursuivi sans les Russes. «Nous n’avons pas l’intention de faire tout le travail à votre place», a abruptement résumé mardi le rédacteur en chef d’une importante revue russe de géopolitique. Le mois dernier, c’est le représentant de la Russie à l’ONU qui exprimait son impatience. «Nous avons investi très sérieusement dans cette crise, diplomatiquement et aussi militairement. Nous voudrions donc que le président Assad prenne cela en compte».
Un gouffre financier évité en pleine la récession
Selon les estimations du quotidien russe RBK, la campagne aurait coûté 2,5 millions de dollars par jour. Des dépenses difficilement soutenables sur la durée, alors que le pays s’apprête à vivre une deuxième année de récession, et que les prix désespérément bas du pétrole ne permettent pas d’espérer de reprise. Après plus de 9 000 raids aériens, les observateurs s’accordent d’ailleurs à dire que le vieux stock de bombes russes est plus ou moins épuisé, et que de nouvelles frappes se révéleraient désormais plus chères qu’elles ne l’étaient jusqu’à présent.
Un outil de propagande vis-à-vis de la population russe
C’est avec une rhétorique victorieuse que Vladimir Poutine a ordonné le retrait des troupes, affirmant à la télévision que la mission de l’armée avait été «globalement accomplie» en Syrie. Pour Moscou, ce «succès» est l’occasion d’exalter le sentiment patriotique russe.
Meet #RuAF pilots returned from #Syria at the airbase #Buturlinovka #Russia #Voronezh region pic.twitter.com/8zbGvuYKvY
— Военный Советник (@miladvisor) 15 mars 2016
Hier, les premiers avions ont ainsi eu droit à un retour triomphal, plusieurs centaines de personnes portant drapeaux et bouquets de fleurs ayant investi l’aérodrome pour accueillir les pilotes. Un moyen pour Vladimir Poutine d’endosser à nouveau son costume de chef de guerre, et d’asseoir du même coup sa popularité.
Une précaution contre des représailles de Daesh en Russie
La lutte contre le terrorisme était le principal argument avancé par Moscou pour justifier son intervention. Cette opération terminée, les autorités communiquent beaucoup sur le fait que plusieurs islamistes originaires du Caucase russe, partis combattre aux côtés des jihadistes syriens, ont été abattus par les frappes. Mais une présence prolongée sur place aurait risqué d’entrainer des représailles de Daesh, sous forme d’attaques sur le territoire russe. Une menace prise au sérieux à Moscou, où le souvenir des attentats séparatistes tchétchènes reste prégnant.