Beaucoup de Syriens avaient perdu samedi leurs repères car pour la première fois depuis des années ils n'entendaient pas le bruit des avions, le sifflement des obus, le son du canon, et le claquement des balles.
"Nous sommes totalement perdus aujourd'hui, notre emploi du temps est bouleversé par cette trêve. Normalement, les hélicoptères décollent à 08H00 et la +fête+ commence, mais aujourd'hui rien", confie Hassan Abou Nouh, un militant de Talbissé, dans la province centrale de Homs. Cette localité est aux mains des rebelles depuis juillet 2012 et toutes les tentatives des forces du régime pour reprendre la ville ont échoué.
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Déconcerté, Chadi Mattar l'est aussi car pour ce militant anti-régime de Daraya, près de Damas, jusqu'à présent une journée normale, c'était une journée de guerre. "A cette heure-ci, normalement il y a déjà trois ou quatre avions qui rodent au-dessus de nous, prêts à larguer des barils d'explosifs. Hier, Daraya était couverte de poussière et on ne pouvait pas bouger tant il y avait de bombardements et de combats. Dieu merci, aujourd'hui rien ne se passe", dit-il.
L'accord de cessation des hostilités initié par Washington et Moscou, deux acteurs majeurs dans le conflit, et soutenu par le Conseil de sécurité de l'ONU, est entré en vigueur dans la nuit de vendredi à samedi et était globalement respecté. Les "Casques blancs" qui sauvent des décombres les victimes dans les régions rebelles après les bombardements du régime ont résumé avec humour l'ambiance sur Twitter : "Fermé pour cause de cessez-le-feu".
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Même Alep, l'ancienne capitale économique divisée depuis juillet 2012, a vécu samedi sur un autre tempo. "D'habitude, mon père nous accompagne au jardin public seulement le vendredi après s'être assuré qu'il n'y a pas de bombardements ou d'accrochages", explique Ahmad, 11 ans, assis sur une balançoire du quartier rebelle de Soukkari. "Mais aujourd'hui, surprise. Pour la première fois, il nous a laissés avec mes frères et sœurs y aller seuls", dit le jeune garçon.
Comme les instruments de mort se sont tus, la vie reprenait ses droits. Ainsi Oussama Diri, qui réside dans le quartier de Magayer, a été surpris par "l'animation" qui régnait dans les rues quand il s'est réveillé. "Normalement, il y a très peu de mouvements jusqu'à midi à cause des avions en action", dit cet homme au chômage.
Certes, il y a quelques tirs épars, cela n'a rien à voir avec le déluge de feu qui s'abattait régulièrement sur la ville. "Je suis retourné à mon poste sur la ligne de front, mais c'était relax. Il n'y avait ni attaques, ni tentatives d'infiltration de la part des forces du régime", confie Abou Cherif, un rebelle. "Bien sûr, il y a des coups de feu de temps à autre mais ce qui est bien c'est qu'il n'y a ni artillerie ni raid aérien", se réjouit-il.
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Même Abou Abdo al-Assir, commandant d'Ahrar al-Cham, assure que son groupe qui combat souvent aux côtés des jihadistes du Front al-Nosra, la branche syriennne d'Al-Qaïda, respecte la trêve. "Hier soir après minuit, il y a eu quelques accrochages durant une heure et demie avec les forces du régime mais seulement à l'arme légère. Depuis, c'est calme. Nous sommes engagés par la trêve tant que le régime la respecte. S'il nous attaque ou nous bombarde, nous riposterons de manière proportionnelle", dit-il.
Dans la capitale Damas, tenue par le régime, le calme a été brièvement rompu par une dizaine de mortiers tombés sur place des Abbassides, sans faire de victimes. "Pour la première fois, nous nous sentons en sécurité car chacun respecte la trêve", lance Bassam Salhab, commerçant de 55 ans.
Selon lui, il faut être optimiste. "Les gens sont fatigués et cette guerre n'a que trop duré". "La seule solution, c'est la trêve". "Aujourd'hui, je suis plus optimiste. Mes amis et moi sommes contents. C'est la première fois que je me réveille sans le son de l'artillerie", dit Ammar al-Rai, un étudiant en médecine de 22 ans habitant la capitale. Il confie qu'un de ses amis, exilé en Allemagne l'a appelé et lui a dit: "Alors la guerre est finie? Je peux rentrer ?".