Le Qatar, au centre d'un scandale lié à l'attribution du Mondial-2022 et mis à l'index pour sa politique de soutien aux islamistes arabes, peine à redorer son blason un an après l'accession au trône de son jeune émir, Tamim Ben Hamad Al-Thani.
Mais ce pays, toujours courtisé pour sa richesse gazière, pourrait à moyen terme rebondir en adoptant une politique "plus pragmatique" et en capitalisant sur l'expérience de sa diplomatie et de son levier médiatique, Al-Jazeera, dans un contexte régional en pleine mutation, selon des analystes.
Depuis l'abdication inattendue le 25 juin 2013 de l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, "le Qatar n'est plus le même. Il ne joue plus le même rôle et n'a plus la même influence", note l'universitaire émirati Abdelkhaleq Abdallah.
Ce richissime Etat gazier de près de deux millions d'habitants s'était imposé en acteur incontournable dans les crises régionales et en interlocuteur écouté en Occident, notamment à la faveur de son soutien aux islamistes propulsés au pouvoir par le Printemps arabe.
"En un an, le Qatar s'est isolé, s'éloignant même de ses plus proches partenaires du Golfe et a perdu son pari sur l'islam politique, qui s'était subitement hissé au pouvoir avant de dégringoler rapidement" dans des pays du Printemps arabe, ajoute le professeur de sciences politiques.
Pour Olivier Da Lage, spécialiste du Golfe, "que cheikh Tamim (Ben Hamad Al-Thani) ait voulu ou non infléchir la politique menée par son père cheikh Hamad, ce sont très largement les événements qui en ont décidé pour lui".
Il rappelle qu'une semaine à peine après l'accession au pouvoir du nouvel émir, le président égyptien, Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans et "soutenu politiquement et financièrement par le Qatar", était renversé par l'armée, alors qu'en Tunisie, le parti islamiste Ennahda, "un autre protégé du Qatar", se retirait du gouvernement après une expérience tumultueuse du pouvoir.
"Cheikh Tamim a dû composer avec cette réalité en faisant le dos rond, sans jamais, toutefois, désavouer la politique de cheikh Hamad ni retirer le soutien de l'émirat aux Frères musulmans", ajoute-t-il.
Or ce soutien a provoqué la colère de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, deux partenaires du Qatar au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui voient dans la confrérie une sérieuse menace capable de renverser les monarchies de la région. En mars, ces deux pays et Bahreïn ont rappelé leurs ambassadeurs à Doha, dans une initiative collective sans précédent.
Cet isolement avait été précédé dès l'été 2013 par la reprise de l'initiative saoudienne dans le conflit syrien aux dépens du Qatar, principal financier de l'opposition armée en Syrie.
- Une image ternie de l'émirat -
Dans la foulée, l'image du petit émirat a été ternie par de virulentes campagnes dénonçant de mauvais traitements des migrants asiatiques sur des chantiers du Mondial-2022 et des soupçons de corruption concernant l'attribution en 2010 à Doha de l'organisation de la Coupe du monde.
"Tant que le Qatar n'aura pas favorisé une entente avec ses voisins du CCG et tant qu'il continuera de parier sur un retour des Frères musulmans (...), il va encore payer le prix", prévient Abdelkhaleq Abdallah.
Selon lui, cheikh Tamim est, depuis son accession au trône à l'âge de 33 ans, "dans une position inconfortable". "Il est tiraillé entre sa volonté d'avoir son propre style du pouvoir et la continuité de la politique de son père".
Il avait promis de bonnes relations avec "tous les pays", dont l'Arabie saoudite à laquelle il a consacré son premier déplacement à l'étranger, mais, ajoute M. Abdallah "la vieille garde est présente avec force" pour tracer sa marge de manœuvre.
Pour l'analyste, "le rôle du Qatar ne s'est pas estompé pour autant. Il peut compter sur sa richesse gazière, son réseau de relations régionales et internationales et Al-Jazeera pour rebondir".
Son avis est partagé par M. Da Lage, selon qui "les énormes richesses gazières du Qatar (...) lui assurent à long terme une influence sans doute temporairement émoussée, mais fondamentalement intacte".
D'ailleurs, "le Qatar a commencé à appréhender la réalité d'une manière plus objective, rationnelle et pragmatique", relève un expert étranger, qui a requis l'anonymat.