Le chef d’Etat syrien doit être désigné vainqueur d’une élection présidentielle décriée, car al-Assad a muselé toute opposition.
Arborant un costume-cravate et un grand sourire, Bachar al-Assad a fait son devoir de citoyen, hier mardi, en mettant son bulletin dans l’urne. Une scène banale d’élection présidentielle, si elle ne se déroulait pas en Syrie, pays plongé dans une guerre civile depuis mars 2011.
Trois ans après les premiers rassemblements pour "une Syrie sans tyrannie", le conflit a fait plus de 162 000 morts et près de trois millions de réfugiés. Résultat : si les Syriens ont eux aussi souhaité leur "révolution arabe", à l’instar de l’Egypte ou de la Tunisie, ils ont conservé le même dirigeant. Un leader que rien ni personne ne semble pouvoir détrôner, chez lui comme à l’international.
Une opposition inexistante
"Dans cette élection, le choix est entre Bachar al-Assad et Bachar al-Assad", a affirmé hier Laurent Fabius. Officiellement, le scrutin était la première élection libre de Syrie. Mais dans les faits, toute candidature dissidente était invalidée par le Haut Tribunal constitutionnel, qui a laissé face au président deux adversaires inconnus, considérés comme de simples faire-valoir (Maher al-Hajjar et Hassan al-Nouri).
De plus, ce scrutin ne s’est déroulé que dans les zones contrôlées d’une main de fer par le régime, soit 40 % du territoire. Ce qui ne va pas empêcher al-Assad de sortir plus fort et plus légitime de cette élection. Une position également confortée par la faiblesse de l’opposition. Somme d’individus de divers bords, des Frères musulmans aux partis kurdes en passant par des assyriens (chrétiens d’Orient), celle-ci a énormément de mal à s’unir.
Mais si cette opposition peine à être efficace, c’est aussi qu’elle en est à ses prémices. Pendant plus de quarante ans, la moindre tentative de contestation politique ayant été durement réprimée par le régime. "Les vrais opposants qui auraient pu faire de l’ombre à al-Assad sont soit en exil, soit en prison", explique Frédéric Pichon, auteur de Syrie, pourquoi l’Occident s’est trompé (Editions du Rocher).
Les Occidentaux impuissants
Au-delà des frontières syriennes, ceux qui s’opposent fermement à Bachar al-Assad ne sont pas beaucoup plus nombreux et efficaces. Malgré le cri d’alarme lancé par les organisations non gouvernementales, qui dénoncent un véritable drame humanitaire, la communauté internationale s’est refusée à intervenir militairement et a toujours préféré négocier pour trouver une transition politique.
Une stratégie rendue impossible par l’élection présidentielle décidée par al-Assad, même après la mise au jour de l’utilisation d’armes chimiques par le régime, la France a dû renoncer à une opération après le refus des Etats-Unis de l’appuyer. Derrière cette frilosité, se trouvent bien sûr les principaux alliés de la Syrie : la Russie, la Chine et l’Iran.
Depuis le début de la crise syrienne, Moscou et Pékin usent de toute leur influence au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer toute initiative. Le départ de Bachar al-Assad semble donc inconcevable, «à moins d’un soulèvement au sein même du régime», selon Frédéric Pichon.