Le sultan de Sokoto, chef des musulmans du Nigeria, a annoncé vendredi une journée de prières dimanche dans la capitale Abuja pour lutter contre l'insurrection du groupe Boko Haram que le pays semble incapable de vaincre sans aide internationale.
Muhammad Sa'ad Abubakar III, a invité les principaux chefs musulmans à venir prier dans la mosquée d'Abuja.
Il a aussi appelé tous les gouverneurs musulmans du Nigeria, le vice-président Namadi Sambo et les chefs traditionnels à participer aux prières.
Ces "prières musulmanes nationales pour la paix et la sécurité au Nigeria" ont pour objectif "d'aider le pays à vaincre les questions de sécurité auxquelles il est confronté", selon un texte publié dans plusieurs journaux nationaux.
L'enlèvement des 276 écolières de Chibok le 14 avril dans l' école de Chibok , dans le nord-est du pays, par Boko Haram a montré l'insuffisance des réactions contre les insurgés au Nigeria, a estimé vendredi une source des services de renseignement, interrogée par l'AFP et qui a requis l'anonymat.
Cette action "a clairement montré que nous n'avions pas les moyens de lutter contre cette insurrection qui fait rage depuis cinq ans maintenant. Nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter humblement l'aide étrangère que nous pouvons faire venir pour mettre fin à ces violences", a déclaré cette source.
Ces commentaires s'ajoutent aux critiques qui se sont élevées tant au Nigeria qu'à l'étranger pour le manque de réactivité du pouvoir dans cette crise.
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et dernièrement Israël ont récemment envoyé des experts et des moyens militaires pour aider le Nigeria.
L'appel à la prière du sultan de Sokoto fait suite aussi à une lettre ouverte de Shehu Sani, éminent défenseur des droits de l'Homme dans le Nord et écrivain, qui a déjà participé à plusieurs efforts pour mettre fin à l'insurrection de Boko Haram, notamment par le dialogue.
M. Sani écrivait que les religieux devaient faire davantage pour sauver les écolières captives.
"Les religieux musulmans, surtout ceux du Nord, devraient faire plus que des prières et devraient aller plus loin pour contacter les insurgés afin de récupérer à l'amiable ces jeunes filles par des moyens qui garantissent leur sauvegarde", a écrit M. Sani cette semaine.
- Lutter intellectuellement contre Boko Haram
Une source de sécurité interviewée vendredi à Maiduguri, place-forte historique de Boko Haram, a déclaré que le silence des principaux responsables musulmans, tel que le sultan Muhammad, avait freiné la lutte contre l'insurrection.
Un "facteur qui a gêné la défaite de Boko Haram est que l'élite musulmane, notamment les religieux et chefs traditionnels, n'ont pas fait front commun pour lutter contre les insurgés", a-t-il affirmé.
"Ils n'ont pas parlé assez fort contre Boko Haram", a ajouté la source, qui a souhaité l'anonymat.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a placé jeudi le groupe islamiste armé Boko Haram sur la liste noire des organisations terroristes soumises à des sanctions en raison de leurs liens avec Al-Qaïda, suivant des sanctions similaires du Nigeria, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Boko Haram a plusieurs fois menacé les anciens royaumes musulmans du nord, dont le sultan de Sokoto, l'émir de Kano et le cheik de l'Etat de Borno, forteresse des insurgés.
Des personnes de l'entourage des religieux de Kano et de Borno ont été frappés par des attaques meurtrières du groupe armé.
Boko Haram accuse ces chefs de trahir l'islam en faisant allégeance au gouvernement civil du Nigeria.
Des analystes émettent des doutes sur la capacité des religieux à mettre fin à la violence du groupe islamiste qui a fait déjà plus de 2.000 morts depuis le début de l'année.
"Si les religieux musulmans du Nord avaient été mobilisés par le sultan pour lutter intellectuellement contre Boko Haram, ils auraient pu mettre en évidence le vide et la folie de l'idéologie des insurgés", estime la source de sécurité.
Boko Haram dit combattre pour imposer un Etat islamique dans le nord du Nigeria.