"Le Donbass est en danger, nous avons besoin de vous, les femmes sont acceptées", crie un séparatiste dans son mégaphone devant leur QG de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine. Une tente sert de "bureau de recrutement". Et Andriï, Katia et Vadim viennent s'y engager à combattre "les fascistes".
"L'insurrection a besoin de vous !": c'est en gros le message lancé quelques minutes plus tôt, à quelques centaines de mètres de là par Denis Pouchiline, l'un des leaders rebelles dans la région de Donetsk, lors d'une manifestation.
"Nous avons remporté des victoires et d'autres sont à venir", a lancé le séparatiste pro-russe à une petite foule de quelques centaines de personnes réunies place Lénine.
"Nous avons besoin de combattants pour protéger notre république car la guerre civile fait rage dans notre région", a-t-il ajouté avant de conclure sur un ton plus dramatique: "Beaucoup d'hommes tombent tous les jours. Nous avons besoin d'encore plus de monde".
Un peu plus tôt, Igor Strelkov, le "ministre" de la Défense de la "République populaire de Donetsk", qui a proclamé sa souveraineté après un référendum d'indépendance et demande le rattachement à la Russie, avait lancé un appel analogue dans un message posté sur le site youtube.
L'homme à la moustache, accusé d'être un colonel du renseignement militaire russe, avait ensuite précisé avoir donné l'ordre de constituer des bataillons de femmes pour grossir les rangs des insurgés opposés depuis plus d'un mois à l'armée ukrainienne, les affrontements causant, selon l'ONU, la mort de 127 personnes des deux côtés.
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Sous la tente verte qui reçoit les volontaires, les formalités sont vite expédiées. Un nom, un prénom, un numéro de téléphone inscrits sur une feuille sur un bord de table, une signature et c'est tout.
Les nouvelles recrues doivent ensuite attendre quelques mètres plus loin que d'autres rebelles viennent les chercher.
Il n'y a pas foule mais au bout d'une heure ils sont tout de même quatre à attendre.
"Tous les jours, nous avons de nouvelles recrues qui veulent aller se battre mais aujourd'hui après le meeting on en a plus que d'habitude", explique le volontaire chargé de l'inscription des nouvelles recrues.
- 'Je veux protéger ma terre' -
Un appel entendu par Katia et Olga, qui attendent collées l'une contre l'autre sur un banc. "Jusqu'ici je ne pensais pas pouvoir aider mais on nous dit que c'est possible donc je suis venue", raconte calmement Katia, cette mère de famille de 41 ans, dont le mari est déjà parti se battre et qui a donc laissé ses enfants à ses parents.
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"Je ne pensais pas en arriver là mais nous n'avons pas le choix puisque Kiev ne veut pas nous écouter, je suis prête à me battre", renchérit Olga, de cinq ans sa cadette.
Juste devant les deux femmes, Vadim fait les cent pas. "J'espérais qu'après le référendum, Kiev nous laisserait en paix. Je pensais qu'ils étaient assez intelligents pour comprendre mais non, leurs troupes sont toujours là", explique cet ouvrier de 47 ans, père d'un enfant.
"Je suis effrayé à l'idée de me battre mais si nous ne le faisons pas, qui va le faire?", s'interroge-t-il.
Son voisin, Andriï, un conducteur de train de 51 ans, a pris la décision de s’enrôler après avoir entendu une histoire racontée par un ami concernant, dit-il, le massacre par l'armée d'une famille qui portait le ruban de Saint-Georges (signe de ralliement des séparatistes dans l'est de l'Ukraine).
Des dizaines de rumeurs, invérifiables, de civils massacrés sont rapportées chaque jour dans les villes de l'Est.
"Je veux me battre, je veux protéger ma terre et je suis prêt à tout quitter pour cela", explique ce petit homme moustachu, vêtu d'une chemisette à carreaux et qui serre contre lui sa sacoche en cuir. Quelques minutes plus tard, un camion et une poignée d'hommes armés emmènent le petit groupe vers une destination inconnue "pour les tester et les préparer" affirme l'homme en charge du recrutement.