L'incertitude planait mercredi soir sur le sort des 129 lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigeria: leurs parents affirment qu'elles ont été emmenées dans un bastion du groupe islamiste, alors que l'armée assure qu'elles sont toutes libérées sauf huit.
Le porte-parole des armées Chris Olukolade, qui avait donné mercredi un premier bilan officiel du nombre de lycéennes enlevées par des hommes armés lundi soir à Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est), a annoncé dans la soirée que seules huit des 129 otages étaient encore captives.
Une annonce qui ne coïncide cependant pas avec d'autres informations recueillies dans le Nord-Est et qui n'a pu être vérifiée de façon indépendante. "Le principal du lycée a confirmé que seules huit filles manquent encore", a affirmé M. Olukolade dans un communiqué.
Il a précisé à l'AFP que la plupart des lycéennes avaient réussi à s'échapper immédiatement après leur enlèvement, une affirmation en contradiction avec de nombreux témoignages directs et déclarations officielles.
- Contradiction -
Une source sécuritaire de haut rang de cette région a déclaré mercredi soir à l'AFP que plus d'une centaine de jeunes filles étaient toujours en captivité.
Le gouverneur de l'Etat de Borno, Kashim Shettima, a de son côté déclaré mercredi après-midi à la presse que 14 otages avaient réussi à fuir jusqu'à présent. Il a offert 50 millions de nairas (215.000 euros) à toute personne pouvant donner des informations permettant la libération des autres victimes.
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Le jour de l'enlèvement, une bombe avait explosé dans une gare routière proche de la capitale fédérale, Abuja, faisant au moins 75 morts et 141 blessés, soit l'attentat le plus meurtrier jamais commis dans les environs de la ville. L'attentat et les enlèvements ont été attribués à Boko Haram, un groupe islamiste armé dont l'insurrection, qui dure depuis cinq ans, a fait plusieurs milliers de morts au Nigeria.
Trois lycéennes qui ont pu s'échapper et regagner Chibok ont raconté leur enlèvement mercredi, lors d'une rencontre organisée au domicile du chef traditionnel local, selon Lawal Zanna, le père d'une lycéenne toujours en captivité.
"Les filles nous ont raconté qu'elles avaient été emmenées dans le district de Konduga, dans la forêt de Sambisa", a déclaré M. Zanna, faisant référence à une zone connue pour abriter des camps fortifiés de Boko Haram. Les lycéennes ont dit avoir fui après avoir demandé aux ravisseurs la permission d'aller aux toilettes, et avoir ensuite réussi à rejoindre Chibok grâce à des bergers nomades de l'ethnie fulani.
Régulièrement critiqué pour la persistance des attaques des insurgés islamistes, le président Goodluck Jonathan a convoqué une réunion des chefs des services de sécurité jeudi pour examiner "la situation sécuritaire dans le pays", selon un communiqué de la présidence.
Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon a condamné mercredi l'enlèvement, considérant que le fait de viser des écoles est une "grave violation des droits de l'Homme internationaux". "Les écoles sont et doivent rester un endroit sûr où les enfants peuvent apprendre et grandir en paix", a-t-il affirmé.
- "Les pires terroristes" -
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Des hommes armés avaient pris d'assaut lundi soir l'internat du lycée public pour filles de Chibok, mettant le feu à plusieurs bâtiments avant de tirer sur les soldats qui gardaient l'établissement.
Boko Haram, dont le nom signifie "L'éducation occidentale est un péché" en langue haoussa, a souvent pris pour cible des écoles et des université.
L'escalade de la violence dans le Nord-Est, fief historique du groupe extrémiste, a poussé de nombreux établissements scolaires de la région à fermer, comme ce lycée de Chibok, mais il avait rouvert cette semaine pour permettre aux lycéennes de préparer un examen annuel.
Les assaillants ont tué un policier et un soldat avant de pénétrer dans le lycée, ont indiqué des témoins. Ils ont ensuite obligé les lycéennes à sortir et les ont fait monter dans des camions avant de s'enfoncer dans la végétation dense de cette région reculée.
L'armée et le président décrivent Boko Haram comme un groupe sur la défensive, affaibli par l'offensive militaire lancée en mai dernier dans le Nord-Est.
Mais l'attentat à la bombe, survenu à quelques kilomètres du siège du gouvernement, et l'enlèvement massif des lycéennes le même jour sont venus prouver le contraire et souligner que le groupe islamiste pouvait frapper dans tout le pays.
Le ministre de l'Information a qualifié l'insurrection islamiste de particulièrement cruelle: "Qu'il soit capable d'enlever de jeunes enfants, c'est ce qui fait de ce groupe de terroristes nigérians l'un des pires du monde", a déploré Labaran Maku.