Au beau milieu de marécages infestés d'alligators, entouré de champs de canne à sucre, "Miracle Village" --le "Village des Miracles"-- est un havre de paix pour une population indésirable dans la plupart de la Floride et des Etats-Unis.
"Nous avons ici environ 115 à 120 délinquants sexuels" compte Pat Powers, directeur général de l'institution. Powers a lui-même passé 12 ans en prison pour des attouchements sur un enfant de moins de 16 ans.
La plupart des habitants n'ont pas d'autre choix que de se réfugier dans ce village, même si "personne n'est légalement forcé de vivre ici", précise Pat Powers. La Floride interdit à tout délinquant sexuel, une fois sorti de prison, de vivre à moins de 300 mètres d'une école, d'un parc ou d'une aire de jeux.
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Trouver un logement qui satisfait ces conditions se révèle souvent impossible, et de nombreux propriétaires refusent de toute manière de louer à des délinquants sexuels. Ils seraient des centaines à vivre sans abris, sous des ponts ou dans des camps de fortune dans les grands espaces naturels de l'Etat.
Au "Village des Miracles", Pat Powers participe à des sessions hebdomadaires de thérapie. Il passe également une bonne partie de son temps à rénover la petite église vieillissante.
Jusque dans les années 1960, les multinationales du sucre utilisaient les petites maisons de "Miracle Village" pour loger les travailleurs saisonniers venus des Caraïbes pour la récolte. L'industrialisation du secteur à rendu obsolète cette main d'œuvre, et l'organisation chrétienne évangélique Matthew 25 Ministries a investi les lieux en 2009 pour y abriter des délinquants sexuels.
- Fiché à vie sur internet -
Mais les restrictions résidentielles ne sont pas les seuls obstacles pour ceux qui voudraient reconstruire leur vie après la prison.
Chaque Etat américain met en effet à disposition de tout citoyen une base de données de tous les délinquants sexuels. Adresse, photo, date de naissance et description des condamnations y sont consultables par tous sur internet, à commencer par les employeurs, qui ont pris l'habitude d'y vérifier les antécédents de candidats.
Cette liste publique peut transformer en calvaire un simple trajet au supermarché.
"Quand je fais mes courses chez Walmart, ils ont ma photo affichée. Dès que quelqu'un me reconnaît il appelle la police. C'est du harcèlement" explique David Woods, résident du "Village des Miracles".
"Quand vous êtes sur le registre, vous y êtes pour le restant de vos jours" ajoute Pat Powers. "Même après votre mort vous restez sur le registre".
Powers accepte sans problème de se voir ainsi listé à vie. Il avait 44 ans lorsqu'il a sexuellement agressé un enfant. Mais il estime qu'un traitement différent devrait être réservé aux plus jeunes délinquants comme Matthew Richey, 19 ans et fraîchement arrivé au "Village des Miracles".
Matthew était lui-même mineur quand il a eu des relations sexuelles avec sa petite copine âgée de 15 ans. Il refuse de se voir inscrit sur le même registre que des violeurs ou des pédophiles. "Quel que soit le crime dont vous êtes accusés, on vous traite automatiquement de violeur de bébés. On vous accuse des pires atrocités. Ils ne font aucune différence".
Pour ses détracteurs, l'aspect public du registre est un frein à la réinsertion. "Il faut punir les gens mais quand ils sortent de prison et que le contrôle judiciaire est terminé, les lois en place empêchent toute réhabilitation" selon Sandy Rozek, militante au sein de l'association Reform Sex Offender Laws Inc.
D'après les autorités de Floride, le registre public permet de "protéger les familles contre les délinquants sexuels". Pionnier en la matière, l'Etat fut en 1997 le premier à rendre la liste consultable sur internet. Aujourd'hui 40.000 noms y sont inscrits.