Les Etats-Unis, après l'Europe, vont tenter jeudi de faire pression en vue d'une solution politique en Ukraine, au lendemain d'un avertissement de la Russie contre tout changement de cap à Kiev.
La secrétaire d'Etat américaine adjointe, Victoria Nuland, est attendue jeudi dans la capitale ukrainienne pour des entretiens avec les dirigeants de l'opposition et le pouvoir en place.
La veille, l'Union européenne, représentée à Kiev par la chef de sa diplomatie Catherine Ashton, a poussé l'Ukraine à "faire plus" pour sortir de la crise qui secoue le pays depuis plus de deux mois.
La Russie s'inquiète de plus en plus du retard de l'Ukraine dans le paiement de ses factures de gaz et souhaite obtenir des explications sur son évolution politique, alors que les manifestations pro-UE se poursuivent, a indiqué en substance le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
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Selon lui, le président Poutine ne reviendra pas sur son engagement d'octroyer une aide de 15 milliards de dollars à l'Ukraine et, en même temps, de baisser de 30% le prix du gaz russe livré à son voisin aussi longtemps que Kiev respectera, de son côté, ses engagements envers Moscou.
"Si tout le monde respecte à la lettre les documents existants, personne n'aura à modifier quoi que ce soit", a déclaré M. Peskov sur une radio russe, sans préciser davantage les obligations de l'Ukraine.
Il a confirmé des indications déjà venues de Moscou, selon lesquelles le Kremlin surveillera de près la ligne du nouveau gouvernement de Kiev devant remplacer celui de Mykola Azarov qui a démissionné la semaine dernière et l'usage qu'il fera des fonds avancés par la Russie.
"Cela va prendre du temps avant que le nouveau chef du gouvernement ukrainien soit en mesure d'expliquer à Moscou jusqu'à quel point il suivra la politique de l'équipe précédente", a-t-il dit.
Fin janvier, la dette gazière de Kiev a atteint 3,29 milliards de dollars, a indiqué cette semaine le groupe russe Gazprom.
Par ailleurs, la représentante de la diplomatie européenne Catherine Ashton a estimé mercredi à Kiev qu'il fallait "faire beaucoup plus" en matière de réformes et souhaité que "le mouvement s'accélère", après avoir rencontré le président Viktor Ianoukovitch et les principaux dirigeants de l'opposition ukrainienne.
Elle a précisé que l'UE était prête à soutenir les réformes et à contribuer à l'enquête sur les violences du mois dernier. Le soutien occidental à l'économie ukrainienne, actuellement à l'étude, ne sera pas une "montagne d'argent", a-t-elle cependant prévenu.
De son côté, la présidence ukrainienne a indiqué que l'entretien avait porté notamment sur la réforme constitutionnelle, réclamée à cor et à cri par l'opposition, et que le pouvoir ne refuse pas a priori.
Toutefois, l'opposition voudrait un retour pur et simple à la Constitution de 2004 pour réduire rapidement les pouvoirs présidentiels, tandis que M. Ianoukovitch préconise la rédaction d'une nouvelle Loi fondamentale, qui prendrait beaucoup plus de temps.
"Nous devons revenir aujourd'hui à la Constitution de 2004 et ensuite prendre notre temps pour discuter d'une nouvelle Constitution", a déclaré mercredi au Parlement l'un des chefs de l'opposition Vitali Klitschko. Sinon, a-t-il ajouté en substance, il faut aller vers des élections anticipées.
Et s'il n'y a pas une décision rapide, "il y aura une nouvelle escalade de protestations", a-t-il prévenu.
Chute de la hryvnia
La gravité de la crise a été illustrée mercredi par la chute de plus de 5% du cours de la hryvnia vis-à-vis du dollar et de l'euro. Un économiste interrogé par l'AFP a évoqué un "début de panique" et estimé que des milieux d'affaires pourraient être en train de sortir des fonds du pays, considéré ces dernières semaines comme menacé par la cessation de paiements.
Le président Ianoukovitch devrait pouvoir aborder ses difficultés directement avec le président Vladimir Poutine qu'il rencontrera vendredi en marge des JO de Sotchi.
La crise avait été déclenchée fin novembre par l'abandon soudain par Kiev d'un accord d'association sur le point d'être signé avec l'UE au profit d'un rapprochement avec Moscou.
La contestation s'est transformée en rejet du système présidentiel mis en place par M. Ianoukovitch. Le centre de Kiev est occupé depuis par les opposants et entouré de barricades. En janvier, des heurts ont fait au moins quatre morts et 500 blessés.