La perspective de la commercialisation, d'ici 2015, d'un premier vaccin contre le paludisme a été accueillie mardi avec intérêt mais prudence par les experts luttant contre cette maladie, responsable chaque année de quelque 660.000 morts en Afrique.
Le paludisme, aussi appelé malaria, tue essentiellement des enfants de moins de 5 ans et est l'une des maladies les plus meurtrières du continent.
Mardi, le groupe pharmaceutique britannique GSK a annoncé qu'il allait solliciter un premier feu vert scientifique européen pour un vaccin antipaludéen destiné aux enfants d'Afrique subsaharienne, après des essais jugés "encourageants".
"C’est le premier vaccin contre la malaria", a indiqué à l'AFP Sophie Biernaux, une responsable du projet chez GSK, lors d'une conférence sur le paludisme à Durban (Afrique du sud). "On a mis 27 ans pour le développer (...) et nous sommes les seuls à avoir ses données-là pour le moment pour un large nombre d’enfants, puisqu’on a testé le vaccin sur 15.000 enfants qui vivent en Afrique sub-saharienne".
Durant les tests, assure GSK, le vaccin a permis de réduire de 46% le nombre de cas chez les enfants vaccinés entre 5 et 17 mois, et de 27% chez les nourrissons de 6 à 12 semaines, sur une période de 18 mois.
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"Tout progrès dans la lutte contre le paludisme est le bienvenu, et ce vaccin peut devenir une nouvelle arme importante pour nous", s'est félicité mardi Martin de Smet, spécialiste du paludisme chez Médecin Sans Frontières (MSF).
"Mais il ne va pas remplacer d'autres méthodes déjà en usage. (...) Ce vaccin n'est efficace qu'à 50%, et la protection qu'il offre diminue au bout de deux ans et encore plus après trois ans."
Par ailleurs, note cet expert, les populations les plus menacées sont les plus pauvres, vivant dans les endroits les plus difficiles d'accès. "Les villages sont généralement isolés, les gens doivent marcher plusieurs jours pour atteindre un centre de soins, et le vaccin a besoin d'être réfrigéré".
Au Gabon, où le paludisme est responsable de 70% des hospitalisations et reste l'une des principales causes de mortalité, l'espoir l'emporte pourtant sur les incertitudes: "L’efficacité de ce vaccin tourne autour de 50%, ce qui n’est pas très grand comparé aux autres vaccins contre la polio par exemple. Mais vu le taux de prévalence du paludisme en Afrique, vous pouvez imaginer l’impact que ça va avoir sur les populations si le taux de mortalité baisse de 50%", note le professeur Bertrand Lell, co-directeur du Centre de recherches médicales de Lambaréné.
En République démocratique du Congo, où 18.000 enfants meurent chaque année du paludisme, le Dr. John Gikapa, conseiller technique de l'association SANRU auprès du ministère de la Santé, voit dans cette annonce une bonne nouvelle, mais souligne que "le vaccin ne s'oppose pas aux autres mesures et moyens de prévention et de traitement qui existent".
SANRU, comme de nombreuses ONGs spécialisées contre la malaria, privilégie la prévention en prônant l'usage de moustiquaires imprégnées d'insecticide.
Le paludisme est dû à un parasite, le Plasmodium, qui, transmis par les moustiques, provoque fièvre, maux de tête et vomissements et peut entraîner rapidement le décès par troubles circulatoires sans traitement. Il est également souvent fatal au foetus lorsqu'il touche les femmes enceintes.
Dans de nombreuses régions du monde, les parasites sont devenus résistants à plusieurs médicaments antipaludéens, ce qui renforce l'intérêt pour la mise au point d'un vaccin.
GSK prévoit désormais de solliciter en 2014 un avis scientifique auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA).
En cas d'avis positif, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pourrait le recommander dès 2015, ce qui ouvrirait la voie à une diffusion en Afrique(principalement à travers l'Unicef et le programme humanitaire Gavi Alliance) à prix réduit, avec une marge de seulement 5%, assure le groupe pharmaceutique.