Qui pourrait succéder à un homme qui a dirigé le Cambodge tout seul ou presque pendant 28 ans? Face à une question inédite dans cette monarchie parlementaire, le parti au pouvoir a peut-être trouvé une solution: son fils.
Si Hun Sen, au pouvoir depuis 1985, a promis de rester Premier ministre pour encore plus de dix ans, certains signes ne trompent pas: l'homme fort du pays prépare ses enfants et construit une véritable dynastie politique.
Propre sur lui, enjoué, et très populaire parmi les partisans du Parti du Peuple Cambodgien (CPP), Hun Many est son plus jeune fils et le premier à tenter sa chance dans les urnes lors des législatives de dimanche.
Le jeune homme de 30 ans, formé aux Etats-Unis, est déjà un membre important du cabinet de son père et dirige la branche jeune du CPP. Et si ses discours de campagne prouvent bien une chose, c'est que la pomme n'est pas tombée loin de l'arbre.
Des menaces de retour à la guerre civile en cas de victoire de l'opposition, jusqu'aux vagues promesses de "servir la population en étudiant ce que les leaders du CPP ont fait", il suit fidèlement les pas du patriarche.
"Hun Sen a conduit le pays à ce développement malgré son peu d'éducation. Alors ses enfants, éduqués dans les meilleures universités du monde, vont accomplir encore plus", s'enthousiasme Hay Vanna, mère de famille venue assister à un meeting avec 15.000 autres partisans.
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De la politique aux médias en passant par l'armée et la police, Hun Sen a ainsi placé ses enfants aux positions stratégiques pour que sa main-mise sur le pouvoir lui survive, estiment les experts.
Ses deux autres fils ont ainsi tous les deux le grade de général.
"Il est de plus en plus clair que Hun Sen est en train de créer une dynastie", assure Ou Virak, président du Centre cambodgien pour les droits de l'Homme.
"Société féodale"
"Société féodale"
"La direction du CPP va probablement être transféré aux fils de Hun Sen dans le futur, ce qui rendra une réforme interne du CPP improbable, ou au mieux difficile".
Le Premier ministre n'est pas le seul de son camp à préparer l'avenir de sa progéniture et de ses proches -- le mari de sa nièce est chef de la police.
Ces dix dernières années, une série de mariages entre enfants de responsables du parti au pouvoir a ainsi donné naissance à la prochaine génération de l'élite, liée par le sang et les affaires.
Les principaux dirigeants du CPP sont arrivés au pouvoir après avoir soutenu l'invasion vietnamienne qui a libéré le Cambodge des Khmers rouges en 1979. Presque tous sexagénaires, ils semblent prêts à transmettre leur héritage politique: au moins sept de leurs enfants sont ainsi candidats dimanche.
"Le népotisme est une partie intégrante de notre culture politique", souligne l'analyste indépendant Lao Mong Hay, évoquant la "formation d'une société féodale".
Mais impliqués dans des accidents mortels ou des querelles alcoolisées, certains se sont d'abord illustrés dans divers scandales. Contrairement à ceux de Hun Sen, selon l'analyste Chea Vannath.
"Les gens attaquent le Premier ministre tout le temps", mais aucun de ses cinq enfants "n'a été critiqué par l'opinion", explique-t-elle à l'AFP. "Ils adorent détester le père. Ils adorent détester la mère. Mais pas les enfants".
Pour l'opposition pourtant, l'émergence de cette nouvelle génération prouve que le CPP est déconnecté de la société cambodgienne, explique un de ses membres, Son Chhay, assurant de pas se sentir menacé par des jeunes "non qualifiés".
"Les gens disent que parce qu'ils ont été formés à l'étranger, ils sont peut-être meilleurs que leurs parents, qu'ils ne se comporteront pas comme un dictateur, mais c'est discutable", juge-t-il, évoquant l'exemple de la Corée du Nord.
Au bout du compte, "cela bénéficiera à l'opposition", prédit-il, pariant sur le "ressentiment" de la population face à ce système dynastique.