Il y a 13 ans, l'ancien Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif était condamné à la prison à vie. Aujourd'hui favori des sondages pour les élections du 11 mai, il se dit prêt à reprendre les rênes du pays et à résoudre ses "gigantesques problèmes".
A l'abord de la dernière ligne droite de la campagne, l'homme consent à une interview minutée dans un salon de l'aéroport d'Islamabad à l'issue d'une réunion avec des hommes d'affaires de la capitale.
Nawaz Sharif, 63 ans, s'y présente calme, déterminé et dans une posture d'homme d'Etat bien engagé sur le chemin du retour au pouvoir.
"Les choses se présentent bien. Et même encore mieux qu'en 1997", dit-il, en référence au raz-de-marée électoral qui l'avait porté cette année là au pouvoir.
Les hommes d'affaires et industriels considèrent généralement son Parti de la ligue musulmane (PML-N) comme le meilleur pour gérer les affaires économiques, face au Parti du peuple pakistanais (PPP), son rival traditionnel, victorieux en 2008 mais aujourd'hui usé par cinq ans de pouvoir. A l'approche du scrutin, Nawaz Sharif ne se prive pas de mettre en avant ses références en matière économique.
Dans un pays fragile et volontiers nationaliste, il a suscité l'admiration pour avoir fait du Pakistan une force nucléaire en 1998 et pour avoir construit l'autoroute qui traverse le pays d'ouest en est.
Issu d'une des familles les plus riches du pays, il avait dans les années 1990 privatisé la plupart des industries auparavant nationalisées par le PPP.
Il se dit à même d'opérer le consensus national nécessaire pour mettre fin à la grave crise énergétique qui frappe le pays et relancer son économie défaillante, sans pour autant dire comment il s'y prendra dans le détail.
"Le pays est confronté à des problèmes gigantesques. Il faut résoudre le problème de l'électricité, qui doit être la première des priorités. Cela nécessite beaucoup de ressources, de travail et une bonne politique", dit-il.
Le Pakistan, géant de 180 millions d'habitants en forte croissance démographique, produit beaucoup moins d'électricité qu'il n'en consomme, et le gouvernement ne paye pas ses factures. Privées de recettes, les compagnies électriques coupent le courant plusieurs fois par jour à intervalles réguliers.
Elu une première fois Premier ministre en 1990, il fut renvoyé trois ans plus tard, accusé de corruption. Son deuxième mandat, entre 1997 et 1999, s'acheva avec le coup d'Etat militaire du général Pervez Musharraf. Condamné à la prison à vie, il réussit à s'exiler en Arabie Saoudite, avant de revenir au pays en 2007.
En 2009, il sera finalement gracié.
Sharif fut également critiqué dans le passé pour ses liens avec des groupes islamistes. Parmi eux, les rebelles talibans, des alliés d'Al-Qaïda qui depuis le début de la campagne s'en prennent aux partis laïcs membres du gouvernement sortant (PPP, MQM, ANP) pour leur faire payer leur alignement sur les Etats-Unis et les offensives militaires lancées contre eux depuis cinq ans.
Sharif souligne avoir "offert (ses) condoléances" aux partis visés. Mais celui qui aura besoin de l'électorat religieux conservateur pour rassembler une majorité se garde bien de condamner directement les rebelles qui ont épargné son parti, tout comme le PTI d'Imran Khan, légende du cricket qui a le vent en poupe.
Sharif, qui comme Khan refuse de faire des discours protégé par une vitre blindée, réfute toute idée que son parti ait moins que le PPP la confiance des chancelleries occidentales, très préoccupées par ce pays voisin de l'Afghanistan et situé sur le front de la guerre contre le terrorisme.
Selon les analystes politiques, seul une grande performance inattendue d'Imran Khan, de plus en plus populaire mais encore en manque de base électorale, pourrait empêcher Sharif de devenir Premier ministre pour la troisième fois.
Mais ce dernier se garde de critiquer son rival du PTI et préfère concentrer ses critiques sur le PPP.
"Ils n'ont rien à dire aux gens, rien à leur vendre, martèle-t-il, parce qu'ils n'ont rien fait en cinq ans".