Le Vatican a désigné vendredi un baron et industriel allemand, après une longue vacance de neuf mois à la tête de sa banque, sans doute la dernière nomination importante du pontificat, à 13 jours de la démission historique de Benoît XVI.
Ernst von Freyberg, membre de l'Ordre de Malte et qui organise des pélerinages au sanctuaire marial de Lourdes (France), a été sélectionné parmi 40, puis 6, puis 3 candidats, à la tête de l'IOR, l'Institut pour les oeuvres de religion, institut financier unique au monde et auréolé de secret.
Cette nomination était attendue depuis longtemps, signe que le processus de choix a été délicat, dans un contexte de crise pour l'IOR.
Pendant ce temps, dans ses appartements, le pape de 85 ans continuait à recevoir, suivant un programme toujours chargé: des évêques italiens, le président roumain Traian Basescu, une délégation d'une organisation caritative du Benelux. Selon un rituel inchangé, selon les journalistes présents à l'audience de M. Basescu.
Alors que le pontificat touche à sa fin et que le pape lui-même a fait allusion mercredi aux "coups" portés à l'unité de l'Eglise, cette nomination mettra-t-elle fin aux rumeurs autour des luttes de pouvoir au Vatican?
La presse italienne assure que la question de l'IOR a continué jusqu'au bout de créer de fortes tensions entre cardinaux, en particulier autour du numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, fidèle de Benoît XVI.
Ces supputations "ne correspondent pas à la réalité" et il n'y a pas de "complots" au Vatican, a tranché le porte-parole du Saint-Siège Federico Lombardi.
L'ancien président de l'IOR, Ettore Gotti Tedeschi, avait été chassé de manière fracassante en mai dernier, révélant les luttes intestines concernant la gestion de la banque du pape: le règne de l'Italien, nommé en septembre 2009 pour aider le Vatican à rejoindre la liste des Etats "propres" respectant les normes contre le blanchiment ("white list"), avait été jugée déficient et négligeant.
Coïncidence troublante, son limogeage survenait au même moment que l'arrestation du majordome Paolo Gabriele, condamné ensuite pour avoir transmis à l'extérieur les messages confidentiels du pape, dans le scandale "Vatileaks".
Si Benoît XVI a donné son aval à la nomination du baron von Freyberg, c'est un collège de cardinaux qui supervise l'IOR qui l'a nommé "à l'issue d'une profonde évaluation et d'une série d'entretiens".
Selon le père Lombardi, le nouveau pape qui sera élu par le prochain Conclave en mars, "aurait été très surpris" d'hériter de ce lourd dossier, qu'"il n'aurait pas suivi".
L'IOR a été le théâtre de scandales retentissants, le plus grave impliquant en 1982 la loge maçonnique illégale (P2), la CIA et la mafia.
Son patrimoine est évalué à environ 5 milliards d'euros et ses clients sont les prêtres, religieuses, conférences épiscopales, fondations.
En juillet dernier, un rapport de Moneyval (groupe d'experts du Conseil de l'Europe compétent sur le blanchiment d'argent), avait estimé que les autorités vaticanes avaient accompli "un très long parcours en un laps de temps très court", mais que du travail restait à faire.
"Le pape ne connaît pas personnellement Freyberg, sa famille ne lui est pas inconnue, mais il n'est pas intervenu dans la nomination", a dit le père Lombardi, en soulignant que le président de l'IOR ne fait pas partie du "gouvernement" de l'Eglise universelle.
Avocat allemand, co-fondateur de la société d'investissements Daiwa Corporate Advisory Partners, il est depuis 2012 président du groupe de chantiers navals et d'ingeniering hambourgeois Blohm+Voss, et membre de divers conseils d'administration de sociétés, dont Manpower GmbH. Il sera à Rome trois jours par semaine pour s'occuper de l'IOR.