Deux procès publics se sont déroulés en moins de deux mois au Vatican dans le scandale "Vatileaks", mais ils n'ont pas réussi à lever le voile sur tous les mystères de cette fuite de documents qui a fragilisé le Vatican.
L'instruction n'est pas close sur l'affaire, a souligné le porte-parole du Vatican, pour couper court aux critiques qui estiment que les procès du majordome Paolo Gabriele et de l'informaticien Claudio Sciarpelletti ont été rapides et n'ont pas abordé les sujets de fonds: accusations de corruption et de mauvaise gestion, luttes intestines, dysfonctionnements, rôle de la Gendarmerie. Et surtout le point de savoir si une vingtaine de personnes ont transmis des lettres confidentielles, comme l'a affirmé Gabriele dans une interview télévisée en février dernier, le visage caché.
Reconnu coupable de vol aggravé de documents, Paolo Gabriele a été condamné à 18 mois de prison et purge sa peine dans une cellule de la gendarmerie vaticane.
A la surprise générale, alors qu'un acquittement était attendu, Claudio Sciarpelletti a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir entravé le cours de l'enquête contre Gabriele par des déclarations contradictoires.
"A la lumière de la condamnation de Gabriele, jugée clémente par tous les observateurs, celle contre Sciarpelletti paraît très sévère", s'étonne Andrea Tornielli, vaticaniste réputé de La Stampa et du site Vatican Insider. Il observe que les documents se trouvant dans l'enveloppe remises par Gabriele à Sciarpelletti n'avaient rien de confidentiel.
Parmi eux, une correspondance par mail entre Paolo Gabriele et un correspondant anonyme se faisant appeler "Nuvola" ("Nuage"). C'est aussi sur appel anonyme d'un inconnu dans la Secrétairerie d'Etat que Sciarpelletti a été dénoncé en mai pour l'enveloppe entreposée dans son tiroir de bureau.
Ce procès Vatileaks "s'est conclu, avec de nombreuses incohérences, des questions ouvertes et des zones opaques", a relevé le vaticaniste Iacopo Scaramuzzi sur son blog Linkiesta.
Que d'autres noms circulent au Vatican est apparu clairement quand l'avocat de Sciarpelletti, Me Gianluca Benedetti, s'est insurgé contre le fait qu'un ancien porte-parole adjoint de la salle de presse du Saint-Siège, Mgr Piero Pennacchini, ait été cité par le procureur, alors qu'il ne fait l'objet d'aucune enquête. Sciarpelletti avait déclaré avoir reçu de lui une autre enveloppe.
"Je m'échine à écrire des arguments de défense pour éviter que des noms sortent, et vous en faites sortir un", s'est écrié, furieux, Me Benedetti, à l'adresse du procureur Nicola Picardi.
Un autre moment de tension dans le procès a été révélateur de l'ambiance d'accusations et de rumeurs venimeuses qui a existé au Vatican depuis que les documents ultraconfidentiels du pape sont parus au printemps dans la presse italienne.
Appelé à déposer au procès, le directeur de l'Office d'information de la Secrétairerie d'Etat, Mgr Carlo Maria Polvani, a fait une déclaration sur un ton dramatique: "Je jure sur mon baptême et mon sacerdoce que jamais je n'ai soustrait, transféré des dossiers protégés par le secret".
"Voir les stupidités qui circulent, selon lesquelles je serais parmi les frondeurs, voire un admirateur de Che Guevara, me laisse interdit! J'espère que la vérité et le pardon prévaudront", a-t-il lancé, en tenant à la main la photo de son grand-père, Giovanni Polvani, ancien recteur de l'Université de Milan, chahuté par des manifestants d'extrême gauche pendant les "Années de plomb".
Mgr Polvani est le neveu de l'archevêque Carlo Maria Vigano, nonce à Washington et ex-secrétaire général du gouvernorat du Vatican, qui avait dénoncé en 2011 des cas de "corruption" dans l'administration vaticane, dans des lettres confidentielles.
Ce volet -- sur la corruption au Vatican -- avait marqué le départ du scandale "Vatileaks" début 2011. Après deux procès, on n'en sait guère plus.