La Cour Constitutionnelle de Roumanie doit trancher mardi sur l'avenir du président Traian Basescu dont la coalition de centre gauche au pouvoir réclame la destitution, une décision cruciale pour clore une guerre politique qui inquiète l'Europe et les Etats-Unis.
"Tension maximum sur la scène politique", "journée cruciale", titraient les médias mardi.
Entrée dans l'Union européenne en 2007, la Roumanie est plongée dans la pire crise politique depuis la fin de la dictature communiste il y a 23 ans, avec le lancement le 3 juillet d'une procédure controversée de destitution du président.
L'issue de la crise repose sur les neuf juges de la Cour qui ont fait état de pressions au cours des dernières semaines.
Mardi, ils ont entamé leurs débats à 07H00 GMT pour décider si un référendum sur la destitution de M. Basescu tenu le 29 juillet est valide ou pas.
Selon les résultats officiels du bureau électoral central, bien que plus de 87% des votants se soient prononcés pour le départ de M. Basescu, très impopulaire après une cure d'austérité administrée en 2010, le seuil minimum de participation requis (50% des inscrits plus un) pour que le référendum soit validé n'a pas été atteint.
M. Basescu, un ancien capitaine de marine, devrait donc échapper à la destitution et terminer son mandat jusqu'en 2014.
Mais l'USL -- formée des sociaux-démocrates du Premier ministre Victor Ponta, des libéraux du président par intérim Crin Antonescu et du Parti conservateur fondé par un ancien collaborateur de la police politique communiste Securitate -- a contesté a posteriori la validité des listes électorales utilisées pour le référendum.
La majorité souhaite qu'environ 3,5 millions de personnes -- Roumains ayant un permis de séjour à l'étranger ou dont la carte d'identité a expiré -- soient retranchés de ces listes, dans une dernière tentative pour atteindre le seuil de participation requis et valider la destitution.
Le ministre de l'Intérieur qui avait organisé le scrutin, Ioan Rus, un membre de l'USL, avait pourtant certifié la validité des registres électoraux. Il a démissionné début août en dénonçant des pressions pour raccourcir ou allonger ces listes.
Lundi, M. Ponta a transmis de nouveaux chiffres à la Cour sur les personnes devant se trouver sur les listes.
Le camp du président Basescu a dénoncé des manoeuvres "illégales" pour modifier le nombre d'inscrits tandis que la presse évoquait des "chiffres pour semer la confusion".
Les juges doivent maintenant trancher à une majorité des deux tiers. S'ils échouaient la décision pourrait être reportée.
"Cela prolongerait alors la crise politique et affecterait la situation économique sans compter les effets négatifs sur l'image de la Roumanie auprès de nos partenaires occidentaux", souligne le quotidien Romania Libera.
Le gouvernement de centre gauche a déjà essuyé de vives critiques de Bruxelles début juillet.
La Commission européenne avait dénoncé comme des "atteintes à l'Etat de droit" des méthodes peu orthodoxes pour faciliter la destitution: révocation du médiateur, limitation par décret des pouvoirs de la Cour Constitutionnelle...
M. Ponta s'était engagé à restaurer les pouvoirs de la Cour et à respecter toutes ses décisions.
Les Etats-Unis ont de leur côté exprimé leur préoccupation après le référendum.
Venu en visite spéciale à Bucarest la semaine dernière, le secrétaire d'Etat adjoint américain aux Affaires européennes, Philip Gordon, avait mis en garde: "Si un résultat était obtenu sur la base de certaines listes utilisées (pour le référendum) et que ces listes étaient ensuite actualisées, changées et révisées d'une manière qui change le résultat, cela entraînera des questions à (...) l'étranger".