Le rapporteur de la nouvelle Constitution tunisienne a annoncé lundi que sa date d'adoption fixée par le gouvernement pourrait avoir six mois de retard et être reportée à avril 2013, ce qui risque d'approfondir l'incertitude politique dans le pays.
"La Constitution pourrait être présentée au vote (à l'Assemblée nationale constituante, ANC) dans son intégralité à la fin du mois d'avril" 2013, a déclaré à l'Ale rapporteur du texte à l'ANC Habib Kheder.
"Je pense que c'est un rendez-vous réaliste", a ajouté, au cours d'un entretien téléphonique, cet élu d'Ennahda, le parti islamiste qui domine le gouvernement formé avec deux formations de centre-gauche, le Congrès pour la République du président Moncef Marzouki et Ettakatol.
Le gouvernement tunisien avait jusqu'à présent la date butoir du 23 octobre 2012 pour l'adoption de la Constitution et prévoyait des élections générales en mars 2013.
Selon M. Kheder, un nouveau calendrier fera l'objet d'une réunion à l'ANC le 3 septembre, veille de la reprise de la session parlementaire.
Il a refusé de se prononcer sur la date de futures élections, estimant que cette question est du "ressort du gouvernement".
Le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol) doit par ailleurs s'exprimer à la télévision lundi à 20H00 GMT.
Des opposants se sont emportés contre la prolongation de l'incertitude, alors que le régime du président Zine El Abidine Ben Ali s'est écroulé il y a plus d'un an et demi.
Et l'économie?
"Est-ce que le pays est capable de supporter tant de retard ? La fragilité de l'économie tunisienne peut-elle souffrir autant de retard?", a lancé à l'AFP, Issam Chebbi, député et porte-parole du parti Républicain (centre).
"Nous demanderons une loi qui fixe la date des élections", a-t-il ajouté estimant que "plus la transition dure et plus le chaos se diffuse dans le pays".
L'annonce du retard de l'adoption de la Constitution intervient en effet dans un contexte politique et social tendu.
Les manifestations notamment contre la politique économique et sociale du gouvernement se sont récemment multipliées, parfois réprimées violemment, alors que le chômage et la misère étaient au coeur de la révolution de 2011.
Par ailleurs, l'opposition et la société civile accusent Ennahda d'une dérive autoritaire et d'organiser une islamisation rampante de la société en s'attaquant notamment à la liberté d'expression ou au droit des femmes.
Les principaux partis tunisiens s'étaient donnés un an à compter de l'élection le 23 octobre 2011 de l'ANC pour rédiger la nouvelle loi fondamentale et remplacer les textes provisoires régissant le pays à la suite de la révolution.
Ces travaux ont pris un grand retard faute d'un compromis sur la nature du régime. Les islamistes réclament un système parlementaire pur, tandis que les autres partis militent pour laisser d'importantes prérogatives au chef de l'Etat.
Une première mouture aurait dû être présentée fin juillet, ce qui n'a jamais été fait. Désormais, un "brouillon" devrait être prêt en octobre, selon M. Kheder.
Six commissions sont en charge de la rédaction de la Constitution. Leurs travaux seront réunis et chaque article sera soumis individuellement pour approbation aux députés, qui peuvent encore les amender.
C'est seulement ensuite que les élus adopteront l'ensemble du texte à la majorité des deux tiers. En cas d'échec, un référendum sera organisé.