Après deux années de récession sévère, la Roumanie semblait en bonne voie pour renouer avec une croissance durable, bien que modeste, mais la crise politique au sommet de l'Etat qui s'éternise fragilise l'économie et menace de chasser les investisseurs.
Le Premier ministre Victor Ponta a assuré mercredi que son gouvernement, au pouvoir depuis mai, continuera à oeuvrer pour assainir les finances publiques et privatisera de grandes compagnies énergétiques et de transport, comme il s'y est engagé auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne.
Nombre d'analystes soulignent toutefois que l'économie est "figée", prise en otage par la guerre sans merci que se livrent depuis plus d'un mois la coalition de centre gauche de M. Ponta, l'Union sociale-libérale (USL), et le président de centre droit Traian Basescu, soumis à une procédure de destitution.
"Arrêtez le cirque, essayez de construire quelque chose", écrivait jeudi le quotidien Ziarul Financiar, résumant le sentiment du milieu des affaires.
"L'économie est encrassée, l'argent ne circule plus, l'administration publique est bloquée, toutes les décisions importantes sont reportées et les grands contrats gelés", a indiqué à l'AFP l'analyste économique Doru Lionachescu de Capital Partners.
Première victime de cette crise, la monnaie locale, le leu, a perdu environ 5% de sa valeur en quelques semaines, une dépréciation qui entraînera une des hausses de prix, notamment de l'essence et du gaz.
La prévision de croissance économique, fixée à 1,5% au début de l'année, après les 2,5% de 2011, a elle aussi été revue à la baisse et devrait se situer autour de 1%, du fait également de la sécheresse qui touche ce pays.
Respecté pour son discours modéré, le gouverneur de la Banque centrale (BNR) Mugur Isarescu a laissé percer son exaspération cette semaine, mettant en garde contre les risques d'une poursuite de l'instabilité politique: "Nous dépendons des marchés internationaux qui vont nous pénaliser drastiquement", a-t-il averti.
Dans ce climat tendu, les investisseurs ne cachent plus leur inquiétude, tandis que les flux de capitaux étrangers s'effondrent.
"La crise politique et l'instabilité qu'elle genère pourrait amener certains investisseurs à reporter leurs décisions sur des investissements en Roumanie", estime une source diplomatique occidentale.
"La question est de savoir comment les compagnies allemandes qui voulaient investir dans ce pays vont réagir à la situation en cours", renchérit Annika Pattberg de Germany Trade and Invest, qui souligne que les entrepreneurs souhaitent un "système judiciaire stable et transparent".
Mardi, le négociateur du FMI Erik de Vrijer s'est déclaré "inquiet" du risque que les turbulences politiques mettent en danger les acquis des dernières années, fruit d'une sévère cure d'austérité.
"Il est important pour le gouvernement de se concentrer sur les priorités macroéconomiques, de poursuivre des politiques budgétaires strictes et des réformes qui permettent à l'économie de croître plus rapidement", a souligné le responsable du FMI qui rendra la semaine prochaine son diagnostic sur l'état de santé de l'économie roumaine.
"Malheureusement le gouvernement s'est concentré sur les disputes politiques," regrette l'analyste financier Aurelian Dochia, notant que les intentions affichées par l'exécutif pour relancer l'économie n'ont pas été suivies de mesures concrètes.
"Les hommes politiques ne se rendent pas compte combien la situation est dramatique aussi bien en Roumanie que sur le plan international," indique-t-il à l'AFP. D'autant que l'économie roumaine est fortement tributaire de la zone euro. "La chose qu'il fallait éviter avant tout était de creuser notre propre tombe, or c'est exactement ce qu'on est en train de faire".