Après des jours de tensions dans le sud-ouest de la Colombie, un dialogue s'est ouvert jeudi sous les auspices d'un délégué de l'ONU avec une grande communauté indigène qui réclame le départ de l'armée et de la guérilla de son territoire, a-t-on appris de sources concordantes.
Les discussions se déroulent près de la localité de Toribio (26.000 habitants), dans la province du Cauca où des échauffourées ont éclaté mercredi entre les forces de l'ordre et cette population indienne de l'ethnie Nasa-Paez, la seconde du pays.
L'objectif est de "porter la voix du mouvement indigène auprès du gouvernement", afin d'envisager une table ronde avec le gouvernement la semaine prochaine, a indiqué à la presse Feliciano Valencia, l'un des chefs indiens.
Ce dialogue s'effectue notamment en présence du coordinateur de l'ONU en Colombie, Bruno Moro, qui se trouve depuis mercredi dans le Cauca, a précisé à l'AFP un porte-parole de l'institution internationale.
Les militants indigènes ont notamment fixé comme condition au gouvernement qu'il renonce à toute poursuite contre les manifestants.
La veille, des représentants du gouvernement avaient établi un contact avec les porte-parole de la communauté, dans le but d'apaiser la situation qui reste encore très fragile.
"Les deux parties sont parvenues à un premier accord, afin que chacun reste calme dans sa zone", a indiqué à l'AFP une source au gouvernement provincial. Une information confirmée par un dirigeant indien, Luis Acosta, joint au téléphone.
Les pourparlers interviennent après une brusque montée de la tension dans la journée de mercredi, lorsque la police anti-émeute a délogé d'une base militaire des manifestants, faisant plusieurs blessés. Un membre de la communauté indigène a été tué à un barrage, à la suite d'une erreur d'un soldat.
Un autre paysan a été tué jeudi dans la localité voisine de Caloto lors d'incidents avec la police qui a empêché le blocage d'un axe routier vers Toribio, ont indiqué les autorités.
Depuis plusieurs jours, la communauté de Toribio, qui bénéficie d'une autonomie de gestion, exige le départ de l'armée, estimant que sa présence attise l'activité de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la première du pays avec 9.200 combattants.
En une semaine, une dizaine d'habitants ont été blessés par des attaques à l'explosif des Farc, qui ont entraîné l'évacuation temporaire de plus de 6.000 personnes.
La revendication de la communauté est toutefois fermement rejetée par le gouvernement qui lutte depuis un demi-siècle contre cette rébellion marxiste, particulièrement active dans la province du Cauca, axe stratégique pour le trafic de cocaïne via l'océan Pacifique.
Le président Juan Manuel Santos a exclu que l'Etat démilitarise "le moindre centimètre de son territoire".
Les militants indigènes, qui ont également demandé aux Farc de quitter leur territoire, ont annoncé mercredi avoir capturé quatre guérilleros, dont le sort n'a pas encore été décidé.
La communauté indigène est estimée en Colombie à un million de personnes (2% de la population), installées notamment dans les régions rurales où la guérilla est aussi la plus implantée.