Ratko Mladic était jadis considéré comme un "héros" en Serbie mais désormais, parmi ses compatriotes, très peu se soucient de son procès pour génocide qui s'ouvre mercredi devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Un an après son arrestation en Serbie après 16 ans de cavale, Ratko Mladic, 70 ans, semble oublié; le rapprochement avec l'Union européenne, perçu comme la seule solution pour sortir le pays d'une grave crise économique, a pris le devant de la scène.
"Tout cela est du passé. Tout le monde avait hâte de se débarrasser" du "problème Ratko Mladic", fait valoir l'analyste politique Milos Vasic, évoquant le souci des autorités réformistes de tourner la page des conflits ayant ravagé l'ex-Yougoslavie dans les années 1990 et qui ont terni l'image de la Serbie.
Aujourd'hui, le mouvement ultranationaliste, jadis prêt à défendre Mladic "à tout prix", est presque anéanti. Son fer de lance, le Parti radical (SRS), dont le président Vojislav Seselj est lui-même jugé par le TPIY pour crimes de guerre, a échoué à entrer au Parlement lors des élections générales du 6 mai, après avoir représenté récemment encore l'une des principales forces parlementaires.
"Les gens ont leurs soucis quotidiens, liés surtout à leur existence, aux questions économiques", explique l'historien Cedomir Antic.
La presse ne rapporte qu'en bref les informations liées à l'ouverture du procès et reste concentrée sur le deuxième tour de l'élection présidentielle qui opposera le 20 mai le pro-européen Boris Tadic au nationaliste populiste Tomislav Nikolic.
Aucun des candidats n'a évoqué le procès de Ratko Mladic au cours de la campagne électorale, dominée par les enjeux économiques, preuve de la préoccupation générale pour l'économie qui devait stagner en 2012 et pour le chômage record qui touche 24% de la population.
"L'indifférence est aussi la conséquence des longs marchandages du pouvoir au sujet de son arrestation et de son transfèrement à La Haye, mais aussi du sentiment au sein de la population que le TPIY n'a pas été impartial et que les Serbes en sont les principales victimes", estime M. Antic.
"Aujourd'hui Ratko Mladic est plus ou moins diminué mentalement et très malade ce qui n'aidera pas à éclaircir les événements dont il est inculpé", a-t-il ajouté.
Ratko Mladic est inculpé de génocide lors de la guerre en Bosnie (1992-95), notamment pour le massacre de quelque 8.000 musulmans bosniens à Srebrenica (est) en juillet 1995, la pire tuerie commise en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.
Toutefois, selon un sondage réalisé en février, 49% des Serbes considèrent que Ratko Mladic n'est pas coupable des crimes dont il est inculpé, alors que 23% l'estiment coupable et que 28% auraient préféré que son procès se déroule en Serbie.
Un procès contre dix personnes accusées de l'avoir aidé à se cacher dans sa cavale entre 2002 et 2005, très peu suivi médiatiquement, est en cours devant la justice serbe.
Néanmoins, "l'opinion publique en Serbie est outrée par les verdicts du TPIY, notamment par le fait qu'aucun responsable important Albanais du Kosovo n'ait été condamné pour les crimes commis" durant le conflit de 1998-99 entre indépendantistes albanais et forces de Belgrade, estime l'analyste Predrag Markovic.
"L'opinion aurait peut-être pu, plus facilement, se confronter aux crimes commis par des Serbes" si la situation aurait était différente, note-t-il.