Le Britannique Ian Bailey, considéré par la justice française comme le principal suspect dans le meurtre de Sophie Toscan du Plantier il y a plus de 15 ans en Irlande, a échappé à l'extradition jeudi sur décision de la Cour suprême, un "choc" pour la famille de la victime.
La plus haute instance judiciaire irlandaise s'est opposée pour des questions de procédure à l'extradition de cet ancien journaliste, contre qui la France avait émis un mandat d'arrêt européen en 2010 afin de l'interroger sur le meurtre jamais résolu de l'épouse du producteur Daniel Toscan du Plantier.
Ian Bailey, qui réside non loin des lieux du crime, avait dès le début éveillé les soupçons des policiers irlandais mais n'a jamais fait l'objet de poursuites dans ce pays.
Les cinq juges de la Cour suprême ont invalidé un jugement précédent autorisant l'extradition, en arguant du fait qu'aucune décision n'avait été prise en France d'engager un procès contre Ian Bailey, ce que requiert la loi irlandaise. Ils ont aussi estimé que sa nationalité britannique faisait obstacle à une extradition.
"Je suis soulagé que cela soit terminé", a réagi Ian Bailey, 55 ans, à sa sortie du tribunal, entouré de sa compagne et de son avocat. "Cela a été un enfer absolu, il n'y a pas de mots pour le dire", a ajouté le Britannique, aujourd'hui étudiant en droit à Cork, qui clame son innocence depuis le début.
Mais pour les proches de Sophie Toscan du Plantier, qui se battent depuis plus de quinze ans pour obtenir justice, la déception était immense.
"C'est un choc pour la famille, un choc difficile à supporter pour les parents", a réagi leur avocat, Alain Spilliaert. "C'est une énorme déception car nous étions relativement confiants après la décision favorable de la Haute Cour de Dublin", qui avait donné en mars 2011 son feu vert à l'extradition.
Pour autant, tout n'est pas terminé, estime l'avocat. "L'instruction en France peut se poursuivre. S'il y avait un procès en France en son absence, devant une Cour d'assises, il pourrait y avoir une condamnation par défaut", explique-t-il. "La France pourrait encore réclamer l'extradition sur la base de cette décision des assises."
Sophie Toscan du Plantier, 39 ans, avait été retrouvée assassinée au matin du 23 décembre 1996, en vêtements de nuit, en contrebas de sa maison isolée de Schull, un village de la côte sud-ouest de l'Irlande où elle était venue passer quelques jours avant Noël.
L'épouse du producteur de cinéma -qui est décédé depuis-, avait été frappée à la tête à coups de parpaing.
Journaliste pigiste résidant à quelques kilomètres de la maison de la victime, Ian Bailey avait rapidement fait figure de suspect en raison notamment de sa présence tôt sur les lieux du crime et du témoignage d'une voisine, qui s'est ensuite rétractée. Interpellé à plusieurs reprises par la police irlandaise, il n'a jamais été inculpé.
"Vous n'avez pas idée de la vie qu'a pu avoir M. Bailey, de même que sa compagne Jules Thomas, pas seulement à cause de l'extradition mais à cause de ces 15 années pendant lesquelles il a été associé à tort à ce crime atroce", a commenté son avocat, Frank Buttimer.
La Cour suprême irlandaise, dont l'audience s'était tenue en janvier, a souligné dans sa décision le caractère exceptionnel de cette affaire, impliquant un citoyen britannique recherché en France pour un meurtre commis en Irlande.
La juge principale, Susan Denham, a notamment mis l'accent sur l'obstacle que constitue l'absence de réciprocité entre les deux pays en matière d'extradition. Elle a estimé que l'Irlande ne pouvait extrader Ian Bailey du fait que "l'Irlande ne pourrait pas obtenir de la France qu'elle lui livre un citoyen britannique pour un meurtre présumé commis en France".