Un journaliste et militant proche du mouvement thaïlandais des "chemises rouges", accusé d'avoir insulté la famille royale, a été condamné mercredi à Bangkok à 11 ans de prison, une condamnation dénoncée par l'Union européenne, alors que la loi réprimant le crime de lèse-majesté est de plus en plus contestée dans le pays.
"Le verdict sape gravement le droit à la liberté d'expression et la liberté de la presse. En même temps, cela affecte l'image de la Thaïlande en tant que société libre et démocratique", a précisé l'UE, se disant "très inquiète" de cette décision.
"L'UE appelle les autorités thaïlandaises à s'assurer que toute limitation des droits fondamentaux est appliquée de manière proportionnelle en accord avec les droits de l'Homme universels".
Somyot Prueaksakasemsuk, arrêté en avril 2011, a été reconnu coupable de lèse-majesté après la publication de deux articles en février et mars 2010 dans le magazine "Voice of Thaksin", dont il était rédacteur en chef.
Il a écopé de cinq ans de prison par article. Le tribunal l'a en plus condamné à purger une précédente peine d'un an de prison avec sursis pour diffamation.
"Nous allons faire appel", a indiqué son avocat Karom Polpornklang. "Je peux confirmer qu'il n'avait pas l'intention de violer l'article 112 (qui réprime le lèse-majesté, ndlr). Il faisait son travail de journaliste", a-t-il ajouté.
Le roi Bhumibol, âgé de 85 ans, jouit auprès de certains de ses sujets d'un statut de demi-dieu.
Et si la famille royale n'a aucun rôle politique officiel, elle est protégée par l'une des lois les plus sévères du monde. La justice a multiplié ces dernières années les lourdes peines et les arrestations pour des propos jugés insultants à son endroit.
De nombreux intellectuels et organisations jugent que beaucoup de ces dossiers sont politiques, relevant qu'un grand nombre d'accusés, comme Somyot, ont des liens avec le mouvement des "rouges", proche de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.
Thaksin, renversé par un coup d'Etat militaire en 2006, est considéré comme une menace pour la monarchie par les élites de Bangkok. Ses partisans avaient bloqué Bangkok pendant deux mois en 2010, lors de la plus violente crise politique qu'ait connue la Thaïlande moderne (90 morts, 1.900 blessés).
Le débat autour de la loi de lèse-majesté s'était enflammé l'an dernier après la mort en prison d'un grand-père condamné à 20 ans pour quatre sms jugés insultants envers la monarchie. Un dossier devenu un symbole de la lutte pour la liberté d'expression.