Un à-pic de cinq mètres, un trampoline et quelques secondes pour enchaîner un maximum de figures: "360°", saltos et vrilles piquées. Il ne s'agit pas de gymnastique acrobatique... mais de trampo-mur.
Ce sport informel pourrait faire son entrée aux "X games", la grande compétition annuelle de sports extrêmes. Voir la vidéo.
Sous les voûtes de l'église Saint-Esprit de Québec, les athlètes grimpent, un à un, les deux étages du transept. Arrivés sur le parapet, ils font "le grand saut". Cinq mètres plus bas, ils rebondissent sur un trampoline et ricochent sur la paroi du mur, à seule fin de "faire corps avec les cieux".
Un ange passe, le temps de quelques secondes la gravité n'existe plus. Vrilles et saltos s'enchaînent.
Les voltigeurs ont donc pour "nouvelle religion" le trampo-mur. Ce sport de voltige, issu du cirque, est à mi-chemin entre le trampoline et le "parkour" --discipline urbaine de saut et franchissement d'obstacle.
C'est son côté rebelle et "free style" qui séduit. "Les sensations sont plus libres en trampo-mur, le trampoline classique est trop rigide. Rajoutez un mur, vous avez quatre fois plus de possibilités", s'enthousiasme Julien Roberge, gymnaste professionnel québécois de 23 ans.
La discipline connaît un franc succès auprès du public des Cirques Éloize et du Cirque du Soleil, pour lequel Julien a travaillé.
Mais Julien et ses collègues la voient déjà se développer loin des chapiteaux, dans la catégorie des sports extrêmes, notamment au championnat X Games où ces jeux du cirque modernes pourraient côtoyer BMX, skateboards et rollers, autant de sports défiant les lois de la gravité.
"Nos mouvements sont similaires, nos acrobaties sont plus classiques, mais la hauteur que l'on atteint est plus impressionnante", affirme Jonathan Julien, élève acrobate à l'école de cirque de Québec.
"Si l'on s'entraîne avec l'idée de faire des compétitions de sport extrême, on commencera à créer des mouvements plus complexes, le niveau montera d'un cran", renchérit Julien Roberge.
Triples vrilles et doubles flips
Le dernier né des sports extrêmes n'a pas de quoi rougir. Julien comme Jonathan exécutent des sauts qui frôlent les dix mètres, la hauteur d'un immeuble de trois étages, puis enchaînent avec des triples vrilles et autres doubles flips.
S'il est le dernier de la famille, le trampo-mur n'est pas si récent: il a vu le jour à Montréal dans les années 80. "J'étais étudiant acrobate à l'Ecole nationale de cirque de Montréal", se remémore Jeannot Painchaud, président du Cirque Éloize. "Avec des amis on s'amusait à empiler des matelas à côté du trampoline, puis on rebondissait sur le dos avant de ricocher sur le mur. Je ne peux pas l'affirmer, mais je pense qu'on était des précurseurs".
Une décennie plus tard, le trampo-mur est popularisé par le spectacle "La Nouba" du Cirque du Soleil.
L'école de cirque de Québec a senti le vent tourner. Depuis trois ans, son cursus intègre le trampo-mur, en réponse aux besoins de l'industrie. Mais pratiquer le trampo-mur de haut niveau n'est pas à la portée de tous. Julien a 10 ans de trampoline classique derrière lui et déplore l'absence de structures adaptées au trampo-mur.
"Hormis ici (à Québec) et à Montréal, il y a peu de gymnases au Canada avec des murs pour s'entraîner", se plaint-il. Il n'existe pas de fédération de trampo-mur connue et le nombre des pratiquants reste incertain, une trentaine pour l'ensemble du pays, selon lui.
Des vidéos ont fait le tour d'internet avec des acrobaties de Julien. Mais à ses yeux, ce n'est pas suffisant, il veut que le sport gagne davantage en visibilité. À cet effet, le gymnaste a commencé à le codifier. "La notation prendra en compte la hauteur, la difficulté, mais surtout le style". Et "c'est l'originalité qui prévaudra".
Cet automne un gala sera organisé avec la crème des "trampo-muristes" canadiens. Julien espère que ce sera le ticket d'entrée aux X games 2013.