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Censure du gouvernement : quel scénario après le rejet définitif du budget et la chute de Michel Barnier ?

La motion de censure deposée par le Nouveau Front populaire a été adoptée avec 331 voix, soit 43 de plus que la majorité absolue. [Thomas SAMSON / AFP]

Alors que Michel Barnier doit présenter sa démission après le vote d'une motion de censure consécutive à son passage en force sur le budget de la Sécurité sociale, la France se trouve désormais dans une situation inédite et fonce vers un avenir politique et budgétaire incertain.

C'était attendu, c'est désormais chose faite : la motion de censure deposée par le Nouveau Front populaire a été adoptée avec 331 voix, soit 43 de plus que la majorité absolue de 288 voix qui était requise pour son adoption. Le Premier ministre ainsi que son équipe gouvernementale doivent désormais présenter leur démission.

Le budget du gouvernement est pour sa part défintivement rejetté, plongeant la France dans une situation inédite, où même la Constitution n'est d’aucune aide. En effet, un vide juridique entoure la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dans le cas précis où les parlementaires s’obstinent à ne pas adopter le texte. 

Nommer un nouveau Premier ministre

La première mission d'Emmanuel Macron est désormais de savoir qui nommer à Matignon, pour remplacer Michel Barnier. Si le président semble balayer l'hypothèse d'une personnalité de gauche, en dépit de la première place du Nouveau Front populaire aux législatives, un Premier ministre trop à droite serait pour sa part censuré par le NFP, accompagné de l'aile gauche du camp macroniste. Un Premier ministre issu du socle commun ne ferait quant à lui que reproduire la situation actuelle. 

Reste l'option d'un gouvernement technique. Concrètement, Emmanuel Macron pourrait nommer un gouvernement uniquement composé de hauts fonctionnaires et d'experts sans étiquette partisane, reconnus uniquement pour leurs compétences ou leurs fonctions. Ils seraient chargés des affaires courantes dans l'attente d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, qui ne peut être possible qu'à partir de juillet 2025, ou d'une nouvelle élection présidentielle.

Mais même avec cette option, la question du budget de la France reste profondément incertaine. Et pour cause : compte tenu des délais imposés par la Constitution, il semble très improbable que le nouveau gouvernement, s'il n'était pas censuré à peine nommé, ait le temps de proposer un projet qui puisse convenir à une majorité de députés. 

quel avenir pour le budget et pour la france ? 

Dans la Constitution, un seul cas de figure est exposé : celui où le Parlement aurait échoué à se prononcer sur le projet de loi de finances dans un délai de 70 jours, après son dépôt, ou 50 jours dans le cas d’une loi de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas précis, selon l’article 47 de la Constitution, le gouvernement doit mettre en œuvre ses dispositions par ordonnance. Mais en l’occurence, si le Parlement rejette le texte, même via une motion de censure, il se prononce. La disposition est donc inapplicable. 

Dans la situation actuelle, il est donc probable que le nouveau gouvernement formé à l’issue de la motion de censure dépose un nouveau projet de loi de finances en dehors des délais imposés par la Constitution, soit après le 31 décembre. Dans ce cas, la suite de l’article 47 de la Constitution intervient : «Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés», détaille le texte.

Dans ce cas de figure, selon la LOLF, deux chemins sont possibles : soit le gouvernement doit demander un vote de l’Assemblée nationale sur la première partie de la loi de finances relative aux impôts, et se retrouve à la merci de son verdict. Soit il dépose au préalable, avant le 19 décembre, un projet de «loi spéciale» l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote final de la nouvelle loi de finances. Après avoir obtenu le feu vert sur le volet fiscal par l’un des deux biais, le gouvernement peut ensuite prendre des décrets pour le volet dépenses. 

Toutefois, la LOLF précise que les décrets sont provisoires et que l’aval du Parlement est toujours nécessaire, à terme, afin de pouvoir prélever l’impôt. La LOLF précise également que dans son contenu, une loi spéciale ne peut pas contenir des nouvelles recettes fiscales. Elle doit uniquement se référer au précédent budget. 

Mais même dans ces conditions, un nouveau vote défavorable des députés pourrait conduire au rejet de la loi spéciale, et donc du nouveau budget. Le gouvernement se retrouverait donc sans aucune possibilité de prélever des impôts ni de prévoir de nouvelles dépenses au 1er janvier 2025. Une situation intenable, notamment puisque dans une France sans budget, les fonctionnaires ne seraient plus payés.

Les pleins pouvoirs pour le président

Dès lors, une seule solution semble envisagée par les constitutionnalistes : celle du recours à l’article 16 de la Constitution, celui qui confère des pouvoirs exceptionnels au président de la République. Cet article 16 peut être déclenché si «les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu», dispose la Constitution.

Si cet article a été créé pour des conditions de guerre, il pourrait être appliqué dans ce cas de figure. Emmanuel Macron pourrait ainsi imposer le fonctionnement de l’État jusqu’à ce que les parlementaires se mettent d’accord. Les services publics pourraient fonctionner et les impôts seraient prélevés. Néanmoins, après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, ou 60 parlementaires, pour vérifier si les conditions d'application de cet article sont toujours remplies.

«notion de continuité de la vie nationale»

Jusqu’ici, la Ve République n’a connu que deux petits «accidents» en termes de procédure parlementaire pour l’adoption du budget. À chaque fois il n’était question que de calendrier et le gouvernement s’en est toujours sorti grâce à un accord des députés. Cette année, en cas de rejet persistant, le gouvernement pourra aussi se référer à un texte adopté en 1980 dans une situation similaire, et validé par le Conseil constitutionnel au nom de la «notion de continuité de la vie nationale».

En 2001, cette jurisprudence a été intégrée dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cette notion pourrait ainsi être centrale dans les débats à venir pour éviter à la France de tomber dans une paralysie complète et de se diriger vers une potentielle crise financière

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