En proclamant la loi martiale quelques heures avant de rétropédaler, le président de la Corée du Sud, Yoon Suk Yeol, a provoqué l'inquiétude dans le monde, notamment à Washington, son allié clé.
Une tentative de putsch avortée. Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a proclamé ce mardi 3 décembre la loi martiale, - une première depuis les années 1980 - dans un contexte de débat parlementaire houleux sur le budget, une décision jugée «illégale» par le chef de l’opposition qui a appelé la population à manifester. La loi martiale n’a plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980.
«Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’Etat […], je déclare la loi martiale d’urgence», a déclaré le président Yoon Suk Yeol en direct dans une allocution télévisée surprise à 22h24 (14h24 GMT).
Des hélicoptères et l’armée au Parlement
Selon Reuters , le président sud-coréen a justifié cette décision en citant une motion présentée cette semaine par le Parti démocrate, parti d’opposition majoritaire au Parlement, visant à destituer certains des principaux procureurs du pays et son rejet d’une proposition de budget du gouvernement. «Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostiles à l’État dès que possible», a ajouté le président sud-coréen.
Immédiatement après cette allocution, le chef de l'opposition Lee Jae-myung s'est filmé en direct en train de se rendre en voiture au Parlement, appelant les députés et le peuple à le rejoindre. Une séance d'urgence est convoquée.
En parallèle, toutes les activités politiques ont été interdites et les médias ont été placés sous la surveillance du gouvernement, a déclaré le chef de l’armée Park An-su dans un communiqué. Alors que les députés cherchaient à entrer dans l'Assemblée nationale, des hélicoptères ont déposé des soldats des forces spéciales dans l'enceinte parlementaire. D'autres ont escaladé les clôtures du bâtiment en cassant des carreaux.
Mais ils se sont rapidement heurtés à la résistance des employés, qui ont saisis des meubles et tout ce qui leur tombait sous la main pour barricader les entrées et empêcher les troupes de pénétrer dans l'hémicycle. Devant le Parlement, des milliers de manifestants pacifiques ont réclamé le retrait du texte et la démission du président.
Un chaos de plusieurs heures
Malgré la police et l'armée qui cernaient le bâtiment, 190 députés sur 300 sont parvenus à entrer dans le Parlement, parfois après avoir escaladé la clôture. La séance d'urgence a commencé vers 1h du matin. A l'unanimité et alors que les soldats tentaient de forcer la porte de l'hémicycle, ils ont voté une motion réclamant la levée de la loi martiale. A noter que la Constitution sud-coréenne oblige le président à obtempérer si le Parlement lui demande d'abroger la loi martiale.
Mercredi vers 4h30, dans une nouvelle allocution télévisée de Yoon Suk Yeol, le président a déclaré que «nous allons accéder à la requête de l'Assemblée nationale et lever la loi martiale», ajoutant que les troupes allaient se retirer du Parlement. Dans la foulée et au vu de la situation, la Confédération des syndicats coréenne (1,2 million de membres) a appelé à une grève générale illimitée jusqu'à la démission du président, qualifiant sa tentative de «mesure irrationnelle et antidémocratique». Une motion en destitution a depuis été déposée par les partis d'oppositions à l'encontre de Yoon Suk Yeol.