Cinquante jours après leur prise de fonction, les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Didier Migaud, se sont rendus à Marseille, ce vendredi 8 novembre, pour dévoiler les contours de leur grand plan de lutte contre le narcotrafic.
Une grande cause nationale. Le gouvernement l'a annoncé : il veut agir contre le narcotrafic, qualifié de véritable «fléau» en France, avec un objectif : «ne pas subir et passer à l'action». Pour ce faire, conformément à la volonté du Premier ministre, Bruno Retailleau et Didier Migaud ont dévoilé leur plan de lutte contre le narcotrafic, qui s'articule autour de trois axes : renforcement des Parquets, de l'arsenal législatif et de la sécurité dans les prisons.
Plus tôt cette semaine, le chef du gouvernement avait en effet demandé aux deux hommes de chercher «un consensus transpartisan» à partir de la proposition de loi des sénateurs Etienne Blanc (LR, Rhône) et Jérôme Durain (PS, Saône-et-Loire). Pour matérialiser ce plan, les ministres entendent faire passer un texte, qui doit être examiné le 27 janvier par le Sénat, via une procédure «simplifiée» avec «un seul passage dans les deux chambres». Il doit notamment encadrer la lutte et offrir de nouveaux moyens aux forces de l'ordre et à la Justice, dont le détail a été précisé ce jour.
Renforcement des Parquets
La première mesure annoncée par les deux ministres concerne le renforcement du pouvoir des Parquets, avec un renfort de 40% des «équipes du parquet de Paris travaillant sur la lutte contre la criminalité organisée» ainsi que la création de «cinq postes de juges supplémentaires à Paris». Le garde des Sceaux souhaite également recalibrer l’Office antistupéfiants (Ofast) en une véritable «DEA à la française», du nom de l’agence américaine de lutte contre la drogue.
Dans la continuité, le garde des Sceaux a rappelé sa volonté de créer un Parquet national antinarcotrafic, ou «antistupéfiants» qui devra se faire via «le Parlement». Didier Migaud compte aussi instituer «dans les prochaines semaines» une «cellule de coordination nationale chargée de dresser un état de la finance» et de «fixer et mettre en œuvre une stratégie opérationnelle» pour lutter contre les trafics.
Le ministre a également annoncé l’installation d’un «nouveau magistrat à Bogota (Colombie)», un État «source des trafics». Il affirme de même que la France renforcera sa représentation auprès de l’Union européenne (UE) avec un «4e magistrat dédié à la criminalité organisée».
«J'instituerai, dans les prochaines semaines, une cellule de coordination nationale chargée de dresser un état de la menace» annonce Didier Migaud pic.twitter.com/KDi3VmByxy
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Renforcement de l’arsenal législatif
Selon Didier Migaud et Bruno Retailleau, la lutte contre le narcotrafic doit pouvoir se mener à l’aide d’un arsenal législatif «complet et adapté» qui permettra à la fois de frapper «au portefeuille» les trafiquants mais aussi de protéger les enquêteurs. Le nouveau texte soumis par les ministres au Parlement prévoit donc des nouvelles prérogatives et capacités pour les enquêteurs et la Justice.
Il devrait notamment contenir des moyens pour s’attaquer au patrimoine des trafiquants : fermer les commerces soupçonnés de pratiquer du blanchiment d’argent, soumettre les loueurs de véhicules à vérifier l’origine des fonds, effectuer des enquêtes patrimoniales dans toutes les affaires de stupéfiants, créer des procédures administratives d’urgence pour geler les avoirs des trafiquants, expulser les trafiquants de leur logement social et couper leurs aides sociales en cas de condamnation, et enfin émettre des obligations d’éloignement des points de deal pour les trafiquants.
«Il faut que le délinquant qui trafique, puisse être expulsé de son logement» : annonce Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, parmi les mesures présentées pour lutter contre le trafic de drogue pic.twitter.com/NbXGCTCYGv
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Parmi les autres mesures évoquées, Didier Migaud veut «améliorer le régime des repentis». «Ce régime est en effet à repenser en créant un statut du collaborateur de Justice, en intégrant de nouvelles infractions et des niveaux de peine plus incitatifs», a-t-il lancé. Un point sur lequel Bruno Retailleau se dit favorable. Lui veut aussi «protéger les enquêteurs» au contact des trafiquants. Il souhaite également «permettre le partage des informations judiciaires aux services de renseignement» pour les infractions liées à la criminalité organisée.
Didier Migaud envisage la création d’une «infraction d’association de malfaiteurs au niveau criminel» et d’adapter «le cadre judiciaire aux mineurs concernés». Par exemple en rendant plus souple l’excuse de minorité pour les plus de 16 ans dans «les cas les plus graves». De même, la «comparution immédiate» pourrait être rendue possible pour les mineurs de plus de 16 ans en cas d’implication dans le narcotrafic.
Renforcement de la sécurité dans les prisons
Enfin, Didier Migaud veut renforcer la sécurité dans les prisons, notamment «avec la création de quartiers spécifiques pour le haut du spectre, pour empêcher la poursuite de l’activité criminelle depuis les murs de nos prisons». Il veut «établir un plan de sécurisation des quartiers d’isolement et renforcer les outils opérationnels permettant d’entraver toute action depuis la détention».
Par exemple pour éviter l’organisation du trafic à partir d’un téléphone portable depuis la cellule. Le ministre de la Justice entend ainsi «mieux incarcérer» et renforcer le travail de «détection des profils» pour les isoler en fonction de leurs spécificités. De nouveaux fourgons visant au transport de détenus «nouvelle génération» seront aussi livrés.
Les deux hommes ont choisi de dévoiler leurs mesures au sein de la cité phocéenne, théâtre d'une guerre de territoire sanglante entre gangs de narcotrafiquants depuis plusieurs mois. Bruno Retailleau a ainsi promis une «guerre» longue et sans merci contre ces trafics, dont le chiffre d’affaires est estimé entre 3,5 et 6 milliards d’euros par an en France. Un plan spécial «anti-stupéfiants» doit par ailleurs être présenté dans les jours à venir par le ministre.