En direct
A suivre

Evasion de Mohamed Amra : recherches, pistes étudiées… Comment les enquêteurs travaillent-ils pour le retrouver ?

Mohamed Amra est activement recherché par les autorités après l’attaque d’Incarville ayant coûté la vie à deux agents pénitentiaires. [DR]

Un peu plus de deux mois après son évasion ultra-violente à la faveur de l'attaque de son fourgon pénitentiaire à Incarville (Eure), Mohamed Amra n’a toujours pas été retrouvé. Alors que les investigations se poursuivent, CNEWS fait le point sur les différentes techniques mises en place par les enquêteurs dans ce type d’évasion.

Toujours dans la nature. Le 14 mai 2024, le narcotrafiquant Mohamed Amra s’est évadé lors d’une attaque particulièrement violente survenue au niveau du péage d’Incarville (Eure) au cours de laquelle deux agents pénitentiaires ont perdu la vie et trois autres ont été blessés. Depuis ce jour-là, ce caïd, devenu ennemi public numéro 1, demeure introuvable.

Dix jours après l’attaque meurtrière, le parquet de la Juridiction Nationale de Lutte contre la Criminalité Organisée (JUNALCO) a ouvert une information judiciaire notamment des chefs de meurtres en bande organisée et évasion en bande organisée.

Alors que les investigations se poursuivent, la police judiciaire a lancé le 10 juillet 2024 un appel à témoins dans le but de récolter les récits de «toute personne présente le 14 mai 2024 entre 10h et 12h, entre Acquigny et Evreux, ou plus généralement dans l'Eure et en Seine-Maritime, ayant été témoin d’événements suspects ou inhabituels, ou ayant vu les véhicules utilisés par les malfaiteurs».

Un dispositif de recherche déclenché dès les premières minutes

Dès les premières minutes de cette affaire hors nome, les policiers et les gendarmes ont activement travaillé sur le terrain pour tenter d’interpeller le délinquant, mobilisant un grand nombre d'agents et de moyens. En effet, dans le cadre de l’évasion d’un individu très dangereux, toutes les forces de sécurité intérieure sont déployées. Concrètement, cela signifie que les policiers nationaux et les gendarmes peuvent également être appuyés par les police municipale, scientifique et judiciaire qui, elles aussi, demeurent pleinement mobilisées pour percer le mystère entourant la potentielle «cachette» de Mohamed Amra.

«Dès les premières minutes de l’évasion, on déclenche tout ce que l’on peut déclencher pour occuper le terrain avec les moyens qui sont ceux des unités de proximité, en l’occurrence les gendarmes et les policiers du quotidien qui sont en capacité d’occuper des points stratégiques à savoir des carrefours, des péages, des sorties d’autoroutes et des ronds-points particulièrement sensibles, le but étant, à minima, d’être en mesure de renseigner les stations directrices sur le sens de fuite ainsi que les moyens avec lesquels les fugitifs circulent», a expliqué à CNEWS Marc Rollang, capitaine de gendarmerie et porte-parole de l’Association Gendarmes et Citoyens.

«Ces renseignements vont aider le gestionnaire de l’opération à resserrer les mailles du filet en bout de cycle et de compartiments de terrain en mettant les moyens les plus adaptés pour intercepter de manière formée les fugitifs», a-t-il ajouté.

La traque est minutieusement menée par l’«officier conduite des opérations». Celui-ci a pour mission «de piloter et de solliciter les moyens supra-départementaux dont les hélicoptères et les renforts des forces de police dans le département et au-delà du département. Ces renforts peuvent être composés par la police nationale, la police municipale, les douanes et tous les services qui sont sur le terrain pour une raison ou une autre».

Outre la diffusion de l’alerte et le pilotage des patrouilles, lors d'une évasion ultra-violente, il faut agir rapidement afin d’apporter les soins aux victimes et de sécuriser le lieu du crime. Comme indiqué auparavant, deux agents pénitentiaires ont été tués et trois autres ont été blessés lors de l’attaque d’Incarville.

Interpol pour mobiliser les forces de police internationales

Le fait de préserver les lieux «a pour but de permettre l’évacuation rapide des blessés et la bienveillance que l’on doit accorder aux défunts en sauvegardant leur intégrité physique. On met aussi en place immédiatement toutes les mesures de police technique et scientifique qui sont à protéger», a expliqué le capitaine Marc Rollang à CNEWS.

«Dans le cas de l’évasion de Mohamed Amra, on voit que les malfaiteurs sont arrivés avec un véhicule. On peut imaginer que, malgré toutes les précautions qu’ils aient pu prendre en amont, ils aient pu, dans l’intensité supposée du crime, déposer de la matière sur les fauteuils, les poignées de porte ou le frein à main. Tous ces objets pourraient être contaminés par leur ADN de contact», a-t-il noté.

Au lendemain de l’attaque d’Incarville, soit le 15 mai, une notice rouge «Interpol» avait été émise à la demande des autorités françaises pour rechercher Mohamed Amra. Cette notice est émise par le système central (La Sccopol de Nanterre : Section centrale de coopération opérationnelle de police) qui assure le lien international avec les forces de police européennes et extra-européennes.

«La notice rouge est une diffusion réglementaire en vue d’une procédure qui vise à alerter les partenaires étrangers limitrophes (Belgique, Luxembourg, Espagne, Allemagne) sur le crime commis sur le territoire français. D’un point de la flagrance, renforcée par les infractions judiciaires, on estime qu’ils ont les compétences et le droit d’arrêter sur leur sol les personnes ayant commis un crime en dehors de leur juridiction nominale», a noté le capitaine de gendarmerie.

«Cette diffusion d'informations, qui est normée et réglementée, leur permet d'exercer des mesures coercitives dans le cas où ils croiseraient ces personnages», a-t-il poursuivi.

l'entourage passé au crible

Bien que l’enquête soit dans un brouillard, les forces de sécurité intérieure sont déterminées à arrêter le fugitif et ses complices. Au cours de ces dernières semaines, l’entourage de Mohamed Amra a été auditionné. Cela passe, d’abord, par ses parents et son amante Nawel.

Pour recueillir des informations, des perquisitions auraient aussi été réalisées. Mais au milieu de ce «flou total», quelques pistes seraient quand même étudiées dans ce type d’évasion dite de longue durée.

Parmi celles-ci, on retrouve la piste d’une fuite à l’étranger. Néanmoins, il s’agit d’une piste assez compliquée qui pourrait avoir des répercussions sur la vie clandestine menée au-delà des frontières françaises par le narcotrafiquant et ses complices.

«S’il a quitté la France, cela veut donc dire qu’il s’agit d’une opération menée et préparée de longues dates avec une capacité d’hébergement et une capacité à vivre de manière clandestine à longue durée. Cela nécessite donc des moyens pécuniaires relativement importants car vivre clandestinement coûte de l’argent», a argué le capitaine Marc Rollang.

«En effet, il faut monnayer le silence de ses voisins, être en capacité de bouger souvent et de téléphoner très peu ou de manière complètement anonyme. Cela nécessite un contexte de vie particulièrement compliqué parce que cela coûte cher», a-t-il ajouté.

Une dénonciation n'est pas à exclure

De plus, dans le cas de Mohamed Amra, les complices sont nombreux. Selon le porte-parole de l’Association Gendarmes et Citoyens, «cela fait autant de gens qui sont obligés d’accompagner le principal suspect au titre de sa clandestinité. On peut largement imaginer qu’une très bonne partie de ce commando ait été identifiée».

À l’heure où un important arsenal d’enquête a été déployé pour la traque de Mohamed Amra, notamment l’écoute téléphonique, la consultation bancaire, le suivi-actif et les mesures de contraintes, la piste d’une potentielle «dénonciation» ne serait pas à exclure.

«À ce niveau de performance criminelle, on ne serait pas étonné qu’il y ait un coup de téléphone anonyme au service de police pour dénoncer ou orienter l’enquête. Un appel téléphonique qui nous viendrait par exemple de concurrents qui seraient eux-mêmes en danger de mort à titre de représailles dans le cartel criminel. Je ne serais pas étonné que l’on puisse progresser dans cette enquête-là parce que, même dans le pire des pires, le concurrent a quelque chose à gagner en dénonçant un rival ou un tueur potentiel», a martelé le capitaine de gendarmerie.

Selon lui, «dans ce business-là, les enlèvements, les actes de torture et les homicides sont malheureusement courants et font partie de la norme qui vise à imposer son autorité et sa hiérarchie sur un territoire, sur des hommes, sur des femmes et sur un commerce».

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités