À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ce mardi 2 avril, la mairie du 19e arrondissement de Paris nous a présenté son dispositif créé pour les disparitions inquiétantes de personnes autistes, après la mort de Kelyan survenue en 2021.
«Plus jamais ça après Kelyan». À l’occasion de cette journée du mardi 2 avril, consacrée à la sensibilisation à l’autisme, la mairie du 19e arrondissement de Paris a dévoilé pour CNEWS les dessous de son outil local, dédié à la disparition des personnes autistes.
Lorsqu’une personne autiste disparaît dans cet arrondissement de la capitale, «il est toujours nécessaire que le commissariat soit prévenu, c’est la première chose à faire», alerte en préambule Cécile Bossavie, conseillère déléguée chargée de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap.
Une fois la police alertée, la mairie est contactée via ses équipes d’astreinte, qui reçoivent l’alerte disparition et la relaie à l’ensemble des services qui sont sur le terrain et sillonnent l’arrondissement toute la journée. Parmi eux figurent les éboueurs et la direction de la propreté, la police municipale, ainsi que le personnel de la direction des espaces verts qui entretiennent les jardins.
«Très vite, nous avons réalisés que nous avons un tas d’agents qui sillonnent l’arrondissement toute la journée (...) Dans les quelques heures qui suivent la disparition, surtout lorsque l'on a l'adresse et le lieu, nous sommes en capacité d'avoir des agents dans quasiment toutes les rues de l'arrondissement, et de pouvoir visualiser la personne désorientée», nous explique la conseillère municipale.
La procédure d'approche, lorsque la personne autiste a peur, consiste à contacter le commissariat pour indiquer le lieu ou la personne a été vue. L'idée est de ne pas d'ajouter de la crainte en voulant agir, ce qui pourrait avoir un effet contre-productif et mener à une fugue.
Un système bientôt étendu à toute la France ?
Bien qu'il soit perfectible sur plusieurs points, le système a déjà fait ses preuves, notamment lors de la disparition d'un jeune homme autiste, qui a été retrouvé deux heures après sa disparition : «Cela fait partie des fins les plus heureuses», se réjouit Cécile Bossavie.
Malgré tout, le dispositif demeure pour l'heure rudimentaire et nécessite plusieurs améliorations, comme une adresse dédiée, un renforcement des liens de la mairie avec le commissariat, ou encore «la nécessité d'avoir une fiche préfaite avec une photo, des informations sur la tenue vestimentaire de la personne autiste disparue, ainsi que le lieu et l'heure de disparition», a-t-elle noté.
Toutefois, «c'est une ébauche certes, mais qui a le mérite d'exister et de mobiliser tous les agents» s'est félicité la conseillère déléguée.
«Ils ont été informés du dispositif et ont tous déjà vécu une situation d'alerte. Lorsqu'ils voient une personne un peu perdue, même si elle ne fait pas l'objet d'une alerte, ils ont des reflexes différents d'une personne non-sensibilisée et peuvent ainsi agir avec plus de bienveillance», a-t-elle expliqué, tout en maintenant qu'il faudrait aller plus loin dans leur formation.
Le dispositif inspire même à une échelle plus nationale, car il devrait être l’un des éléments de la future convention sur les troubles du neurodéveloppement entre l’État et l'Association des Maires de France, nous apprend Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement.
La mort de Kelyan, un tournant bouleversant
Le système a été mis en place en octobre 2021, quelques mois après la mort de Kelyan, un jeune adulte autiste retrouvé mort en juillet 2021 dans un abri à toxicomanes du même arrondissement, après plusieurs jours de disparition et une mauvaise rencontre.
Surnommé «Kéké» dans son quartier, le jeune homme de 22 ans était connu par tous les agents de la mairie : «C’était une figure particulièrement connue du 19e arrondissement», nous a confié Cécile Bossavie, non sans affection.
Si la disparition d’une personne autiste majeure doit en théorie, et depuis peu, être traitée comme celle d’un mineur - c'est-à-dire sans aucun délai -, la pratique varie parfois d’un commissariat à un autre.
«Nous allons lancer à ce propos une nouvelle campagne d'information à l'intention des commissariats et des gendarmeries de France», nous a annoncé Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement.
Pour cause, les personnes autistes ont souvent une incompréhension de l’espace, des émotions de personnes qui sont en face, mais aussi du second degré, du mensonge ou de la manipulation. De ce fait, elles sont une cible particulièrement vulnérable pour l'espace public, même lorsqu’elles sont majeures, verbales et dotées de compétences sociales.
Un GPS bientôt remboursé pour les familles
Lorsqu'elles sont non-verbales, dotée d'un retard de développement ou sujettes à des stéréotypies (NDLR : série de gestes répétitifs, ressemblant à des tics ou des tocs), les personnes autistes sont souvent stigmatisées par un public non sensibilisé, qui les voit automatiquement comme un danger.
«Pour un passant qui croiserait une personne qui semble désorientée, la meilleure chose à faire serait dans un premier temps d'essayer d'établir le contact, en lui demandant son prénom ou s'il est perdu», recommande Daoud Tatou de l'association Le Silence des Justes, qui a travaillé avec la mairie du 19e arrondissement sur le dispositif et qui connaissait Kelyan.
«En cas de non-réponse, qui pourrait signifier qu'il est en difficulté, il est nécessaire de prévenir les pompiers ou la police, en précisant bien la situation», poursuit-il.
Comme plusieurs structures, l'encadrant qui a plus de 23 ans d'expérience sur le terrain milite pour la création et le remboursement par la MDPH d'un GPS spécialisé pour les personnes autistes et leurs familles, qui prendrait plusieurs formes plus ou moins discrètes, en fonction des sensibilités sensorielles respectives.
«Si on réussit à le mettre en place, il pourrait avoir des particularités comme des couloirs d’un point A à un point B, de manière à être tout de suite alertés par une notification s’il sort de ce couloir», espère-t-il.
Le remboursement de ces traceurs est déjà prévu «d'ici à septembre», nous annonce le délégué interministériel Étienne Pot. Reste à présent à tester les meilleurs GPS du marché, précis au mètre près, afin que les consommateurs ne se fassent pas piéger.
«À la minute où nous annonceront officiellement le remboursement de ces traceurs, de nombreux produits plus ou moins qualitatifs apparaîtront sur le marché et les foyers les plus modestes pourraient se laisser piéger par des offres alléchantes, sur des GPS qui fonctionneront mal», a-t-il prévenu. «C'est ce que nous souhaitons éviter», a-t-il conclu.