Napoléon Ier a marqué l’histoire de France par ses conquêtes, mais aussi par les réformes mises en place durant son règne. Que nous en reste-t-il aujourd'hui ?
Le film Napoléon du réalisateur américain Ridely Scott, actuellement sur les écrans, nous donne à voir l'Empereur dans la sphère intime, et celle de son rapport à Joséphine, autant que sur le champ de bataille. Grand conquérant, Napoléon Bonaparte est vu comme un despote par nombre d'Européens, qui se souviennent surtout de ses campagnes militaires, en particulier celles de Russie ou d'Espagne, au bilan humain très lourd.
Un aspect du grand homme reste toutefois souvent méconnu, celui de réformateur. De grandes réformes des institutions de l'État ont en effet été entreprises durant ses années au pouvoir comme consul puis comme empereur, de 1799 à 1804, qu'il a tenté d'exporter à travers l'Europe, et dont nous avons en grande partie hérité aujourd'hui.
C'est le cas du Conseil d'État, qui s'est illustré récemment par la suspension de la dissolution du mouvement des Soulèvements de la terre, ordonnée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Mais quelle est l'origine de cette institution très médiatisée ces dernières semaines ?
Le Conseil d’État
En 1799, Napoléon fonde le Conseil d’État, dont le rôle est défini par l’article 52 de la Constitution du 22 Frimaire An VIII (13 décembre 1799). Il est chargé à l'époque de la rédaction des projets de loi et des règlements avant leur adoption par le parlement. Il possèdait aussi le rôle de résoudre les difficultés en matière administrative. Mais sa mission demeurait consultative.
Après la chute de Napoléon en 1812, la monarchie de la Restauration puis la monarchie de Juillet ont conféré moins de pouvoir à cette institution, qui s'est recentrée sur son activité contentieuse.
Napoléon III, à son arrivée au pouvoir en 1848, a réaffirmé la place du Conseil d’État, qui a retrouvé son rôle consultatif pour la constitution des projets de loi du gouvernement et du parlement.
Dans la Constitution de la Ve République, le Conseil d'État a pour rôle de juger en dernière instance des affaires d'ordre administratif et de contrôler la conformité des décrets et les ordonnances du gouvernement avec la loi. Une association ou un particulier peuvent contester et parfois faire annuler une ordonnance du gouvernement, comme l'ont fait les Soulèvements de la terre cette année.
En plus des institutions administratives, Napoléon a mené une grande œuvre d'unification du droit civil français, en créant le Code civil.
Le Code civil
Le Code civil des Français est sans aucun doute l’œuvre la plus importante de Napoléon en tant qu’empereur. Promulgué le 21 mars 1804, il constitue un travail d’unification inédit du droit civil français. Pour mener à bien cette mission, Napoléon charge quatre des plus éminents juristes français : Jean Portalis, ancien avocat au parlement d’Aix, François-Denis Tronchet, avocat au parlement de Paris, Jacques de Maleville, avocat et ancien président de la Cour de cassation de Bordeaux, et Félix Bigot de Préameneu, avocat au parlement de Rennes.
Les quatre juristes, qui siègeaient au sein du Conseil d’État, ont compilé et unifié des milliers de textes de loi des différentes régions. Le Code civil français est repris ensuite dans plusieurs dizaines de pays au monde. Il est divisé en trois livres, qui structurent toujours l'édition du code 2023, plus de deux siècles après sa rédaction. Les quatre parties sont : «Des personnes» ; «Des biens et des différentes modifications de la propriété» ; «Des différentes façons dont on acquiert la propriété». Un livre fut rajouté plus tard : «Des sûretés».
Aujourd’hui, plus de 50 codes sont en vigueur en France, dont le Code de procédure civile, édité en 1806, et le Code pénal, entré en vigueur pour la première fois en 1810. L’objectif était que le droit soit rendu accessible et connu de tous. D’où la citation encore célèbre de nos jours : «nul n'est censé ignorer la loi».
Depuis, les codes ont connu des rééditions. En 1994 par exemple, le Code pénal est remplacé par une nouvelle édition, venant remplacer définitivement celle de 1810, qui n'est plus en vigueur depuis.
La liberté religieuse et le concordat
Depuis la Révolution, l’État français n’avait plus de religion officielle, contrairement à l’Ancien régime, où le catholicisme était le culte officiel du royaume de France. Bien que désintéressé par la pratique religieuse, Napoléon I croyait que la religion devait occuper une place dans la société pour assurer la paix civile.
La signature du concordat avec le pape Clément VII en 1801 a redonné une certaine stabilité aux religions, dont le statut était fragile voire vulnérable depuis 1792. La reconstruction concordataire reposait sur la liberté religieuse et l’égalité des cultes, dont les ministres étaient reconnus par l’État. Les conflits entre Napoléon I et l’Église catholique n’en furent pas moins importants pour autant.
Le concordat prit fin en 1905, sous le gouvernement de Georges Clémenceau, dans des conditions houleuses. Toutefois, la liberté de culte fut réaffirmée par la loi de 1905, affirmant que : «La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes». Depuis cette loi, l'État français ne reconnaît aucun culte en France, à l'exception de l'Alsace et de la Moselle, où le concordat est toujours en application. En effet, l'un et l'autre faisaient toutes deux parties de l’Empire allemand lorsque la loi de 1905 fut votée.
Dans la constitution de la Ve République, la liberté de conscience est affirmée comme étant un droit fondamental, cette notion intégrant la liberté de culte.