Napoléon Bonaparte s’est éteint à l‘âge de 51 ans, le 5 mai 1821, à 17h49. Différentes hypothèses, telles qu’un cancer, une arythmie cardiaque ou, plus récemment, une anémie causée par une hémorragie gastro-intestinale associée à une gastrite chronique, ont été avancées. Mais pour certains Français, il a été empoisonné par les Anglais.
Le 5 mai 1821, l'Empereur Napoléon a rendu son dernier soupir à l'âge de 51 ans à Sainte-Hélène, île perdue de l'Atlantique où les Britanniques l'avaient envoyé en exil six ans plus tôt, après sa dernière défaite à Waterloo. Plus de deux siècles après son décès, sa mort intrigue toujours. Ulcère, cancer, troubles cardiaques ou empoisonnement par les Anglais… Les hypothèses ont été nombreuses et variées.
Si les deux rapports d'autopsie originaux, l’un signé par le docteur corse Antommarchi le 8 mai 1821 et l’autre, signé par les médecins anglais le 6 mai 1821, suggèrent une tumeur maligne de l’estomac comme cause de la mort de Napoléon, cette conclusion est remise en question en 1961, quand des scientifiques affirment avoir découvert une concentration anormalement élevée d'arsenic dans les cheveux de l'empereur. Pour étayer leur thèse, ils affirment aussi que le poids de Napoléon à sa mort est incompatible avec un cancer de l'estomac. Selon une dépêche AFP, un médecin britannique affirme en novembre 1964, qu'il a été «soumis à un lent empoisonnement à l'arsenic» pendant sa captivité et que, «dans la dernière année, on lui fit prendre 40 fois du poison».
La thèse de l'assassinat voudrait que Napoléon ait été empoisonné par le gouverneur anglais de Sainte-Hélène, Sir Hudson Lowe, et le confident de l'Empereur en exil, le comte de Montholon. Ce dernier aurait eu, selon ses détracteurs, toutes les raisons de s'en prendre à l'Empereur, d'aucuns le disant jaloux que son épouse lui ait accordé ses faveurs, d'autres qu'il convoitait sa fortune. Une troisième hypothèse, plus politique, voudrait qu'il ait agi pour le compte des monarchistes, donc des Anglais.
Expertises contre expertises
Mais depuis les années 1960, les expertises et contre-expertises se succèdent. «On a régulièrement des offensives des empoisonnistes», s'amusait en 2021 auprès de l’AFP Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon.
Une étude publiée en 2002 par le mensuel français Science et vie avait tordu le cou à la thèse de l'empoisonnement, en expliquant que l'arsenic détecté sur les cheveux impériaux était d'origine exogène. Mais en 2005, le docteur Pascal Kintz, président de l'association internationale des toxicologues de médecine légale - qui avait déjà mis en évidence en 2001 une concentration anormale d'arsenic sur des cheveux de l'empereur - avait affirmé avoir découvert de la «mort-aux-rats» sur des cheveux de Napoléon, ce qui avait relancé la piste d'une mort par empoisonnement. Selon ce dernier, l'arsenic retrouvé provenait «d'aliments ingérés», contrairement à la thèse du mensuel Science et vie, selon laquelle l'arsenic n'avait pas été ingéré mais retrouvé car communément utilisé au XIXe siècle pour conserver les cheveux. Une autre hypothèse concernant cette présence d'arsenic aurait par ailleurs voulu qu'il provienne de l'amour du vin que nourrissait Napoléon, car les vignerons de l'époque avaient pour habitude de nettoyer leurs cuves avec cette substance...
En 2004, une autre thèse, avancée par le Pr Steven Karch, spécialiste de médecine légale de San Francisco, imputait cette fois le décès à une faute des médecins dont les lavements destinés à soulager des douleurs d'estomac auraient provoqué un déficit en potassium et des troubles cardiaques mortels.
En 2005, une étude de chercheurs bâlois avançait quant à elle, n'en déplaise encore une fois aux défenseurs de la thèse de l'empoisonnement qui affirmaient le contraire, que les variations de poids de l'empereur - constatées en comparant ses pantalons - était tout à fait compatibles avec un cancer gastrique, Napoléon ayant, selon eux, perdu une dizaine de kilos au cours des cinq mois précédant sa mort.
En 2007, des chercheurs suisses et américains avaient également assuré que l'Empereur était bien décédé d'un cancer de l'estomac, probablement dû à une infection bactérienne. A noter qu'à l'époque de la mort de Napoléon, les tumeurs étaient connues des scientifiques, mais pas encore leurs origines bactériennes. Le rôle de l'Helicobacter pylori ne sera en effet mis au jour que dans les années 1980 par des chercheurs australiens.
Toujours selon les chercheurs suisses et américains qui avaient dévoilé leurs travaux en 2007, Napoléon présentait un ulcère perforé et souffrait d'importantes hémorragies, accentuées par les administrations de mercure de ses médecins. «Disons qu'ils ont raccourci sa vie de quelques jours», avait confié l'historien Pierre Branda à l'AFP, ajoutant que l'Empereur était mort «dans d'atroces souffrances».
L'idée d'un empoisonnement serait «absurde»
En 2012 et 2020, deux publications réfutent l’hypothèse d’un cancer gastrique comme cause de la mort, proposant celle d’un arrêt cardio-respiratoire par hémorragie gastro-intestinale associée à une gastrite chronique et à une anémie, estimant que si cancer il y avait, il n'aurait été qu'à un stade initial qui n’aurait pas pu causer directement le décès.
En 2021, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, un groupe international d’anatomo-pathologistes spécialisés en pathologie digestive a repassé au peigne fin les premiers rapports d’autopsie. Ses conclusions ? Ils s'avèrent compatibles avec l’hypothèse d’une «néoplasie (tumeur, ndlr) maligne avancée de l’estomac associée à une hémorragie gastrique comme cause immédiate de la mort». Ce qui tend à valider la thèse officielle de l'ulcère de l'estomac devenu cancéreux.
«Napoléon était très affaibli et anémié, décrit en 2021 dans Geo Thierry Lentz, historien spécialiste du Premier Empire, directeur de la Fondation Napoléon et co-auteur de «La mort de Napoléon : mythes, légendes et mystères» (éd. Perrin). Son père est mort dans des circonstances similaires, probablement d'une tumeur dans la région de l'estomac. Persuadé qu'il allait mourir de la même chose, l'empereur a demandé que son corps soit autopsié afin que son fils, L'Aiglon, puisse être mis au courant », en Europe.
«On a du mal à se résoudre à ce que Napoléon soit mort dans son lit», sans intervention extérieure. «On préférerait» que le grand homme «ait été empoisonné, voire que son corps ait été substitué», dit Pierre Branda, auteur de «Napoléon à Sainte-Hélène» (Perrin), selon les propos rapportés par l'AFP. L'historien rappelle ainsi la théorie complotiste qui continue à circuler, selon laquelle la personne reposant depuis 1840 dans le tombeau des Invalides, ne serait pas Napoléon.
L'idée d'un empoisonnement est «absurde», avait déclaré l'historien Jean Tulard, grand spécialiste de Napoléon Bonaparte cité par l'AFP en 2021. «Sauf à dire que cet empoisonnement avait commencé... dès 1805, puisque déjà à cette époque, ses cheveux contenaient de l'arsenic», tout comme les cheveux de plusieurs membres de sa famille, avait-il ajouté.