Une centaine de lettres écrites par des femmes à des marins prisonniers ont été ouvertes par un professeur français de Cambridge, 265 ans après qu'elles aient été envoyées.
Des mots de réconfort qui n'auront jamais trouvé leurs destinataires. Regroupées en trois piles et tenues ensemble par des rubans,104 lettres, pour la plupart des lettres d’amour datant du XVIIIe siècle, ont été ouvertes et lues pour la première fois par Renaud Morieux, un professeur français de l’Université de Cambridge. Elles étaient destinées à des marins français capturés par les Britanniques au cours de la guerre de Sept Ans (1756-1763), mais ne sont jamais parvenues à leurs destinataires. Des fiancées, des épouses, des mères et des sœurs ont rendu à travers ces lettres un témoignage intime et historique à la fois.
Over 100 letters sent to French sailors by their loved ones have finally been read – 265 years later!
The letters were seized by Britain’s Royal Navy during the Seven Years’ War and forgotten about until @RenaudMorieux of @CamHistory discovered them at the @UKNatArchives— Cambridge University (@Cambridge_Uni) November 7, 2023
Oubliées dans un carton, ces lettres, saisies par la Royal Navy pendant la guerre, ont été transférées aux archives nationales britanniques. 265 ans plus tard, elles attirent l'attention de ce professeur d'histoire qui a demandé de les consulter par «curiosité».
AU COEUR DES TENSIONS FAMIliALES
Dans une de ces lettres, on peut lire les plaintes d'une mère qui se lamente que son fils ne lui écrive pas souvent : «Je pense plus à toi, que toi à moi (...) enfin, je te souhaite une heureuse année remplie des bénédictions du seigneur». Au même moment, sa fiancée le suppliait de contacter sa mère, écrivant plus tard que cela «allège l'atmosphère».
Une épouse écrivait à son mari : «Je passerais fort bien la nuit à t'écrire (...), ta fidèle femme pour la vie. Bonsoir mon cher ami. Il est minuit. Je pense qu'il est temps de me reposer». Elle mourut l'année suivante, probablement avant que son mari ne soit libéré.
Même si ce sont de très vieilles lettres, le professeur décrit des soucis familiaux complexes qui pourraient être d'actualité. «Ces lettres parlent d'expériences humaines universelles qui ne sont pas propres à la France et au 18e siècle», affirme-t-il.
La guerre, pas seulement une affaire d’hommes
Écrits en majorité par des femmes, les courriers témoignent de l'expérience de ces épouses, mères, fiancées en temps de guerre, contraintes de tenir seules le foyer et de prendre des décisions en l'absence des hommes. «La guerre n’est pas uniquement une affaire d'hommes», a ajouté le professeur.
Ces lettres ont permis d'effectuer des recherches historiques sur les marins prisonniers, publiées ce mardi dans la revue Les Annales, Histoire, Sciences sociales. En 1758, un tiers des quelques 60.000 marins français ont été emprisonnés en Grande-Bretagne. Certains sont morts de maladie et de malnutrition, tandis que d'autres ont été finalement libérés.