Il y a 70 ans, ce jeudi 1er février, l'abbé Pierre lançait son célèbre appel «au secours» pour les sans-abri. Sa plus fidèle collaboratrice, Lucie Coutaz, reste méconnue du grand public. Avec lui, elle a fondé le mouvement Emmaüs.
Pendant près de quarante ans, Lucie Coutaz a œuvré dans l’ombre de l’abbé Pierre, travaillant sans relâche pour soutenir les plus démunis et lutter contre la pauvreté. Fidèle et de tous les combats, elle a été la secrétaire et la confidente du plus célèbre des prêtres, de son vrai nom Henri Grouès.
Lors de sa disparition en 1982, ce dernier a tenu à lui rendre hommage, elle qui était connue pour «son tempérament et ses dons de chef», mais que l’histoire a quelque peu oublié. «Sans elle, Emmaüs n’existerait pas. C’est ce qu’affirment tous les compagnons et amis des origines. Et ils disent vrai. En toute vérité, celle qui pour tous fut toujours nommée, avec un exceptionnel respect, «Mademoiselle Coutaz», fut cofondatrice du mouvement né en 1949», avait-il précisé.
Engagée dans la Résistance
Née en 1899 à Grenoble d'un père ouvrier agricole devenu chef cantonnier, Lucie Coutaz, qui est incarnée par Emmanuelle Bercot dans le biopic «L’abbé Pierre : une vie de combats», en salles ce mercredi 8 novembre, a commencé sa carrière comme secrétaire aux pâtes Lustucru puis chez Cartier-Million. Souffrant du mal de Pott des vertèbres dorso-lombaires dont elle aurait été guérie, selon ses dires, à Lourdes en 1921, celle qui faisait partie d’une congrégation de religieuses s’est engagée dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est dans ces réseaux que Lucie Coutaz, qui a reçu la Croix de guerre avec étoile de bronze à la Libération, a rencontré l’abbé Pierre.
Après une entrevue furtive en 1943, leur collaboration a réellement commencé deux ans plus tard. L’abbé Pierre, elle l’a soutenu quand il est devenu député de Meurthe-et-Moselle en étant son assistante parlementaire. Elle l’a aidé à restaurer une maison délabrée à Neuilly-Plaisance pour créer la première communauté Emmaüs. Et elle fut témoin de son fameux appel à la solidarité nationale en faveur de tous les sans-abri à l’hiver 1954. Lucie Coutaz a surtout géré d’une main de fer les dons qui affluaient, les diverses tâches administratives et les nombreux centres d’hébergement en l’absence de l’abbé Pierre, quand ce dernier était en déplacement à l'autre bout du monde, assurait des conférences ou était porté disparu après un naufrage dans le Rio de la Plata, en Argentine.
«Mademoiselle Coutaz» enterrée près de l'abbé Pierre
Lucie Coutaz est décédée le 16 mai 1982 au petit matin à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), veillée par l’abbé Pierre. «J’ai passé une partie de la nuit auprès d’elle. J’hésitais à partir, j’avais déjà mon manteau. Je n’ai versé aucune larme, comme pour mon père et pour ma mère. Pendant sa vie, l’on a mis dans sa main, la main des pauvres…», a-t-il confié à l'époque.
Elle repose aujourd'hui au cimetière d’Esteville, en Seine-Maritime, aux côtés du fondateur d’Emmaüs et de Georges Legay, premier compagnon et ancien bagnard que ce dernier avait sauvé du suicide.