La députée Renaissance du Loiret, Caroline Janvier, a menacé de ne pas voter le projet de loi immigration si l’exécutif le durcit aux dépens de «l’équilibre». L'élue, qui se targue d’être soutenue par «une partie des députés du groupe» a notamment annoncé qu’elle s'abstiendrait en cas de retrait de l’article 3 qui prévoit la régularisation des travailleurs clandestins.
Après l’attentat d’Arras, le projet de loi immigration, qui doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre, est au cœur des débats. En cause : plusieurs mesures dont l’article 3 du texte, qui prévoit la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Si les Républicains en font une «ligne rouge», plusieurs députés de la majorité, emmenés par Caroline Janvier, menacent de ne pas voter le texte en cas de retrait de l’article.
«Si Gérald Darmanin venait à retirer cette mesure, il est très clair que, comme une partie des députés de notre groupe, je ne voterais pas ce texte», a affirmé Caroline Janvier au Figaro. À contrario, les Républicains estiment qu’une telle mesure «traduit le défaitisme de l'État qui faute d'être capable de maîtriser l'immigration s'en accommode», a fustigé Éric Ciotti dans un communiqué. Elle conduirait à une «régularisation massive», a de son côté assuré le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, selon qui le texte «va ouvrir les vannes de l'immigration».
Dans le détail, le texte prévoit notamment des mesures pour faciliter les expulsions (environ 15.000 en 2022), surtout celles des étrangers délinquants. Mais LR est vent debout contre l'autre idée phare du texte, celle d'un titre de séjour «métiers en tension» pour les sans-papiers des secteurs peinant à embaucher (restauration, bâtiment...). S’il est qualifié par la droite d’«insuffisant» et de «stratégiquement périlleux pour leur crédibilité», une partie des élus de la majorité redoutent au contraire un «durcissement» du texte aux dépens de «l’équilibre».
Un allègement du dispositif étudié
Pour satisfaire la droite, l’exécutif réfléchit depuis des semaines à la façon de procéder et pourrait finalement privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation plutôt que de créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de la loi. Le 24 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, avait lui-même entrouvert la porte à une modification du texte. «Là-dessus, je pense qu’il y a un compromis intelligent à trouver», avait-il souligné, sur TF1 et France 2.
Et pour cause, avec 62 députés, les Républicains représentent un allié de choix pour la majorité, sans lequel il serait difficile de faire passer ce texte qui cristallise une opposition majeure à gauche, et qui ne sera pas voté par le Rassemblement national qui l’estime «trop mou» et «largement insuffisant».
Possible motion de censure des Républicains
En cas de désaccord avec la droite et de manque de soutien d’une partie de la majorité, le gouvernement pourrait opter, à l’image de la réforme des retraites ou du projet de loi de Finances 2024, pour le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Un passage en force contre lequel les Républicains répondraient avec une motion de censure.
«S’il y a un 49.3, la conséquence sera une motion de censure, bien sûr», a affirmé Éric Ciotti. Une décision ferme qui tranche avec les positions précédentes des Républicains. Depuis le début de cette législature, les députés de la droite n'ont jamais dégainé cet outil parlementaire utilisé en cas de 49.3. Et seuls 19 d'entre eux avaient voté la motion de censure transpartisane du groupe Liot déposée après le 49.3 brandi pendant la réforme des retraites.
Une menace à prendre au sérieux, puisqu’avec ses 62 députés, le groupe pourrait bien faire tomber le gouvernement s’il décidait de se joindre aux autres partis d’opposition. L’ajout de leurs votes permettrait d’atteindre les 289 voix requises pour renverser l’équipe gouvernementale d’Élisabeth Borne.