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Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées : «Nous avons besoin que notre société transforme sa vision des choses»

La ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, a reconnu le retard de la France en ce qui concerne l'accessibilité des personnes en situation de handicap. [LUDOVIC MARIN / AFP]

En poste depuis plus d'un an, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, est revenue pour CNEWS sur l'accompagnement des personnes en situation de handicap en France. Cette dernière a également livré les premières pistes de la future Stratégie nationale de l'autisme, qui devrait être dévoilée prochainement par le gouvernement.

Un an après votre prise de poste, quel bilan dressez-vous de la situation du droit du handicap en France ?

Les personnes en situation de handicap sont des citoyens comme les autres, peu importe leur handicap. Elles doivent avoir les mêmes droits que les autres, que ce soit pour se déplacer, aller à l’école, faire du sport ou pratiquer des activités culturelles. Le respect de leurs droits est notre boussole. Nous devons faire en sorte que les personnes en situation d'handicap puissent vivre sans entraves et sans renoncement. Pour aller plus loin dans ce domaine, nous avons besoin de simplifier les procédures et de mener un grand travail en profondeur.

Quels sont les axes d’amélioration dans le domaine scolaire ?

L’école pour tous est un axe majeur. En cinq ans, elle a accueilli près de 35% d’élèves supplémentaires en situation de handicap. S’il y a plus d’école, il doit aussi y avoir «mieux» d’école. Il est nécessaire de renforcer la formation, de donner les outils nécessaires aux enseignants, que la pédagogie soit mieux adaptée aux enfants. Aujourd’hui, nous voyons de plus en plus d’enfants aller au collège, au lycée, puis vers les études supérieures. Nous constatons une vraie évolution de notre société en matière de confiance à l’encontre des enfants en situation de handicap et en leurs capacités d’apprendre. Nous devons désormais mieux les accompagner.

Le manque de place dans les instituts médico-éducatifs (IME) a été pointé du doigt par certains, qu’en pensez-vous ?

Aujourd’hui, nous avons 436.000 enfants dans l’école de la République et environ 70.000 jeunes dans les instituts médico-éducatifs. Sur ce chiffre, 10.000 sont des jeunes adultes qui restent dans ces lieux de vie, car ils n’ont pas trouvé de solutions pour la suite. Il est nécessaire de débloquer ces situations, afin que ces jeunes adultes libèrent ces places, fluidifiant les parcours. Nous devons trouver avec les départements, nos partenaires, les moyens pour que ces jeunes adultes aient des solutions adaptées à leurs besoins et ce, tout au long de leur vie.

Comptez-vous créer des ponts entre les IME et l’Éducation nationale ?

Absolument. Nous allons progressivement transformer ces établissements en service. Ils auront ainsi plus d’interactions avec l’Éducation nationale. Nous avons d’ailleurs le projet de déployer 100 IME à l’intérieur des collèges dans les cinq ans à venir, afin de favoriser cette diversité chez les enfants. Ils ont besoin d’apprendre dès leur jeune âge qu’il y a des différences. 

Estimez-vous que la France est en retard concernant l’accessibilité de certains lieux ?

Beaucoup a été fait, mais nous avons du retard en France effectivement. Nous avons du retard dans l’accessibilité des espaces publics, des moyens de transport, des commerces du quotidien… Il faut que nous reprenions avec rigueur cette politique d’accessibilité. Lors de la Conférence nationale du handicap, le président de la République a annoncé une enveloppe de 1,5 milliard d’euros afin d’accélérer cette politique. Elle sera utilisée au niveau de l’État, mais viendra aussi en soutien des collectivités afin de les aider à poursuivre la transformation des bâtiments. Nous allons également constituer un fond d’accessibilité à l’intention des commerces et établissements du quotidien.

Au-delà de l’accessibilité physique, allez-vous travailler sur l’accessibilité numérique ?

Oui. C’est un plan essentiel. Nous devons être exemplaires. Aujourd’hui, plus de 50% de nos procédures en ligne sont accessibles aux personnes vivant avec un handicap, il faut rapidement atteindre les 100%. Il est nécessaire que les sites de nos partenaires publics soient accessibles. C’est un sujet de simplification de la vie de tout le monde. Ce n’est pas une dépense inutile, mais un investissement sur des espaces plus faciles à fréquenter pour l’ensemble de nos concitoyens.

Comment comptez-vous améliorer la condition de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ?

J’ai énormément de respect pour leur travail, nous avons besoin des AESH dans l’école. Depuis 2017, leur nombre a augmenté de plus de 40%. Il y en a aujourd’hui 132.000, il y en aura 4.000 de plus à la rentrée scolaire prochaine. Il est nécessaire de mettre en avant leur travail et reconnaître qu’il doit être mieux rémunéré. C’est ce à quoi s’est attelé le ministre de l’Éducation nationale car des augmentations salariales à hauteur de 10% sont à prévoir. Nous travaillons actuellement à faire en sorte que les AESH puissent accéder aux 35 heures, s’ils le souhaitent et qu’ils puissent bénéficier d’un rôle au sein de l’école plus complet. 

Vous êtes amenées à améliorer la condition des personnes en situation de handicap dans tous les secteurs, comment s’axe ainsi votre travail avec les autres ministères ?

Je travaille avec tous les autres ministères. Avec l’Éducation nationale pour l’école inclusive, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, pour l’emploi, la ministre des Sports, avec qui nous avons une forte ambition d’accès au sport, mais aussi avec la ministre de la Culture, pour l’accessibilité des bibliothèques et des livres pour les personnes malvoyantes. Je tente de faire passer le message que toutes les politiques qui sont déployées à l’échelle d’un ministère doivent être attentives à ce qu’elles comportent une place nécessaire pour les personnes handicapées. S’il faut des petites mesures particulières dans le droit commun, il faut les inscrire immédiatement.

Êtes-vous accompagnée dans cette mission ?

Oui, j’ai des alliés dans ce travail. Je pense notamment au Conseil national consultatif des personnes handicapées. C’est une force de proposition qui prête une attention particulière à chaque décret, chaque loi qui est proposée et soulève les manquements pour les personnes handicapées si c’est nécessaire.

Le gouvernement devrait prochainement dévoiler sa future Stratégie nationale pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement, qu’en attendez-vous ?

La précédente stratégie a tracé un sillon fort dans le dépistage, l’accompagnement des enfants et la mise en place des infrastructures nécessaires. Nous avons décidé d’accompagner et de structurer la recherche en France. Le travail est encore très vaste. Notre nouvelle stratégie doit creuser ce sillon en profondeur. Elle nous amène à continuer ce travail de repérage précoce que ce soit sur l’autisme mais aussi les troubles de neurodéveloppement. De ces recherches doivent émerger des solutions pour améliorer l’intégration à l’école et au travail.

Pour les cas complexes, il nous faut mettre en œuvre des structures plus petites. Nous allons charpenter la recherche, financer des études et avancer. Il est important d’annoncer des politiques, mais il faut aussi les mettre en œuvre. La politique du handicap est importante, elle représente aujourd’hui 55 milliards d’euros. Nous avons besoin que notre société transforme sa vision des choses et considère que les personnes handicapées participent pleinement à la vie de la société.

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