Le jour de la Fête de la musique, le 21 juin dernier, le président Emmanuel Macron a annoncé la possibilité d'introduire une taxe sur les revenus du streaming si la filière musicale ne parvient pas à trouver de nouvelles voies de financement pour la création.
L'objectif de cette initiative est de préserver la souveraineté culturelle française et d'assurer une rémunération équitable pour les artistes et les créateurs, tout en soutenant l'innovation et les exportations. Le gouvernement se réserve la possibilité de présenter cette contribution obligatoire des plates-formes de streaming musical devant le Parlement si aucune solution n'est trouvée d'ici au 30 septembre. Pour faciliter les discussions, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a été chargée de réunir rapidement tous les acteurs de la filière.
Une annonce qui a suscité de vives réactions
Le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), dirigé par Bertrand Burgalat, a critiqué cette initiative de manière sarcastique sur Twitter, en écrivant «qu'après avoir empêché la guerre en Ukraine et refondé la France en cent jours, le président Emmanuel Macron s'attaque au streaming.»
Après avoir empêché la guerre en Ukraine et refondé la France en cent jours, le président Macron s’attaque au streaming. pic.twitter.com/vlZQr8yJkk
— Bertrand Burgalat (@Burgalat_) June 21, 2023
Cependant, le syndicat a ensuite adouci sa position dans un communiqué publié jeudi, affirmant être prêt à participer aux discussions avec responsabilité. Il a souligné que les plates-formes françaises et européennes, dont le modèle économique est basé sur la diffusion de musique, n'ont pas encore atteint la rentabilité.
En opposition à cette taxe sur le streaming, l'ESML (Syndicat des éditeurs de service de musique en ligne) a exprimé ses inquiétudes dans un communiqué transmis à l'AFP jeudi. Il a souligné la concurrence déloyale des grandes entreprises technologiques américaines (GAFA), qui ne contribuent pas autant que les acteurs locaux au financement de l'industrie musicale. L'ESML craint les conséquences catastrophiques de cette taxe sur le streaming musical, tant pour les ayants droit que pour la création artistique.
En revanche, une vingtaine d'organismes représentatifs de la filière, dont l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi), le Syndicat des musiques actuelles (Sma) et le Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss), ont soutenu la proposition d'une contribution obligatoire pour la diffusion numérique, qu'elle soit payante ou gratuite. Ces instances se sont engagées à participer aux discussions professionnelles à venir, soulignant l'urgence de la situation.
Une taxe à 1,5% ?
Selon un rapport du sénateur (Renaissance) Julien Bargeton rendu en avril, la présidence propose une taxe de 1,75% sur les revenus du streaming musical payant ainsi que sur ceux financés par la publicité. L'Élysée affirme que de nouvelles sources de financement sont nécessaires pour préserver la souveraineté culturelle française, garantir une rémunération équitable pour les artistes et les créateurs, et soutenir l'innovation et les exportations.
Il convient de noter qu'à l'automne dernier, les débats portaient sur une contribution obligatoire de 1,5% des revenus des abonnements payants sur les plates-formes musicales afin de soutenir la création française par le biais du Centre national de la musique (CNM), une institution créée en 2020. À l'époque, le rappeur Niska s'était opposé à la taxe sur le streaming, la qualifiant de «taxe anti-rap», «taxe raciste» et «taxe non justifiée» sur les réseaux sociaux. Il craignait que les revenus du streaming du rap, musique dominante dans les classements, ne soient affectés.
Ce projet de taxe, porté par des députés de la gauche Nupes via des amendements rejetés fin 2022, a suscité des tensions au sein de la filière. Les divisions se sont manifestées lors d'un déjeuner organisé par le Prodiss, où le Snep a boycotté l'événement en dénonçant sur Twitter «les faux-semblants d'union d'un écosystème musical plus divisé que jamais».
Lors de ce déjeuner, Antoine Monin, directeur général de Spotify pour la France et le Benelux, a pris la parole au nom de l'ESML, ce qui a suscité des réactions négatives lorsqu'il a déclaré : «La filière musicale française et le CNM méritent mieux que le rapport Bargeton. Si la première saura se remettre d'une énième guerre picrocholine, je ne suis pas certain que le second survivra à une telle fracture originelle».