Missak Manouchian, figure de la Résistance d'origine arménienne, sera panthéonisé le 21 février 2024. Il sera accompagné de son épouse, Mélinée. Ils ont tous deux eu une vie marquée par les engagements et les tragédies.
C’était un souhait d’Emmanuel Macron. Ce dimanche 18 juin, l’Elysée a annoncé l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian le 21 février 2024, avec son épouse Mélinée. «Missak Manouchian porte une part de notre grandeur», il «incarne les valeurs universelles» de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles il a «défendu la République», a déclaré la présidence dans un communiqué. Le président de la République a salué sa «bravoure» et son «héroïsme tranquille».
Le chef de l’Etat rend aussi hommage, à travers lui, à tous ses compagnons d'armes étrangers, Espagnols, Italiens ou Juifs d'Europe centrale : «Le sang versé pour la France a la même couleur pour tous». Missak Manouchian devient le premier résistant étranger et communiste à entrer dans le temple des grandes figures de la République. Avant lui, huit membres de la Résistance avaient déjà ainsi été honorés.
Le résistant entrera au Panthéon «accompagné de Mélinée», son épouse, orpheline, apatride, résistante comme lui et sa meilleure biographe. Le couple Manouchian restera uni dans la mort mais Mélinée n’est pas elle-même panthéonisée.
Des vies tragiques et engagées
Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906 à Adiyaman en Arménie. A l'âge 9 ans, il perd ses parents durant le génocide arménien. Il passera quelques années dans un orphelinat libanais avant d’arriver en France en 1925 où il deviendra tourneur aux usines Citroën. Il suit en parallèle des cours de littérature à La Sorbonne. Il commence alors à écrire des poèmes.
Mélinée, de sept ans sa cadette, naît à Constantinople dans une famille plutôt aisée. Elle devient orpheline à 3 ans. Ses parents ont été assassinés par la police ottomane.
Amoureux et déterminés
Après des études de secrétaire comptable et de sténodactylographie, Mélinée Manouchian, née Sukemian, s’installe dans la capitale française. En 1934, Missak Manouchian rallie le Comité de secours pour l’Arménie. C’est lors d’une fête organisée par ce même comité qu’ils se rencontrent. Ils rejoignent ensemble un mouvement antifasciste du Parti communiste. Ils se marient en 1936, fondent l’Union populaire franco-arménienne et s’engagent parallèlement à récolter des fonds pour les Républicains espagnols.
A partir de 1942, 23 résistants des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d'œuvre immigrée) de la région parisienne forment le «groupe Manouchian», 20 sont étrangers. L'organisation est l'une des plus déterminées à l’époque et multiplie les sabotages envers l’occupant nazi. Au début, Mélinée Manouchian a pour rôle de dactylographier des tracts et de porter des messages secrets avant d’être affectée au repérage et à l’espionnage des cibles d’attentats.
L’étau se resserre
Le 16 novembre 1943 à la gare d'Evry-Petit-Bourg (Seine-et-Oise), lors d'un rendez-vous avec Joseph Epstein, chef interrégional des FTP, Missak est arrêté par les Allemands. L'épisode de « L'affiche rouge» intervient. L'armée allemande tente d’affaiblir la Résistance en placardant dans toutes les grandes villes de France les portraits de dix résistants du «groupe Manouchian», dont le principal concerné. L'affiche provoque l'effet inverse, attirant la sympathie des Français.
L'organisation est entièrement démantelée. Ses membres sont longuement torturés avant d'être fusillés au Mont Valérien (Hauts-de-Seine). L’unique femme du groupe, Olga Brancic sera décapitée en Allemagne en mai 1944.
Mélinée, réfugiée chez son amie Knar Aznavourian, la mère du chanteur Charles Aznavour, apprend la nouvelle des semaines après. Avant d’être fusillé, Missak Manouchian écrit une lettre à son épouse : «Cela m’arrive comme un accident dans ma vie. Je n’y crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te reverrai plus jamais».
Après la guerre, Mélinée œuvre dans l’ombre pour la mémoire des résistants arméniens. Quelques années avant sa mort, elle co-réalise le film «Des terroristes à la retraite». Malgré les livres, les films inspirés de «L'affiche rouge», celle qui a dédié sa vie à ses idées, verra son action rester peu connue. Elle meurt en décembre 1989.
Avant Missak Manouchian, Emmanuel Macron a déjà fait accueillir trois grandes figures de la Résistance au Panthéon : Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker.