Près d’un an avant l’ouverture des Jeux olympiques, le gouvernement veut déplacer des milliers de sans-abri, principalement des migrants, de Paris vers la province, afin de désengorger les hôtels qui pourraient accueillir des touristes.
Des sans-abri expulsés de la capitale ? C’est la volonté du gouvernement, à l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024, afin de libérer des places dans les hôtels pour accueillir des touristes. Pour ce faire, l’exécutif prévoit la création de «sas d’accueil temporaires régionaux» dans toutes les régions, à l’exception des Hauts-de-France et de la Corse, pour prendre en charge les sans-abri avant de les dispatcher à travers le pays.
De nombreux hôteliers ont fait part de leur volonté de ne plus accueillir les sans-abri ou migrants qui occupaient des chambres, faute de place dans les centres d’hébergement débordés, afin de préparer l’accueil d’une clientèle qui devrait affluer à l’approche de la Coupe du monde de rugby, à l’automne, et surtout des Jeux olympiques de Paris en 2024. Plus de 5.000 chambres ont déjà été perdues pour l’hébergement d’urgence, a précisé le ministre du logement, Olivier Klein, ce mardi.
Depuis la mi-mars, le gouvernement a donc répondu à cette demande des hôteliers en demandant aux préfets de créer des sas d’accueil temporaires régionaux, qui doivent prendre en charge pendant trois semaines les personnes déplacées, avant qu’elles soient orientées dans une nouvelle région «vers le type d’hébergement qui correspond à leur situation», a détaillé le ministre.
Des mairies opposées au dispositif
Ce dispositif, qui concerne surtout des migrants, très nombreux en Ile-de-France à vivre dans la rue ou en hébergement d’urgence, suscite de nombreuses inquiétudes dans les villes désignées par le gouvernement pour accueillir ces nouveaux sas d’accueil temporaires.
C’est notamment le cas de la ville de Bruz (18.000 habitants, près de Rennes) qui a fait part ce mardi de son mécontentement. «Nous ne sommes pas favorables à l’installation d’un tel sas sur notre commune, dans ces conditions que nous jugeons indignes», a fait savoir le maire de la ville, Philippe Salmon (DVG). La mairie bretonne critique notamment le choix du terrain, jouxtant une voie ferrée et «pollué par des hydrocarbures et des métaux lourds», et affirme que les futurs occupants du centre d’accueil ne viendraient pas «par choix».
Un dispositif qui a «fait ses preuves»
Depuis 2021, le gouvernement a déjà mis en place un dispositif similaire, mais centré uniquement sur les demandeurs d'asile. Selon un rapport parlementaire rendu public mardi, ce système «a fait preuve de son utilité et de son efficacité», mais un quart des personnes concernées a refusé de quitter l'Ile-de-France. Le rapport appelle aussi l'Etat à mieux coordonner les transferts avec les municipalités, et à mieux protéger les élus locaux.
Car ces transferts, rappellent les auteurs, font «l'objet d'une instrumentalisation politique ayant conduit à des menaces et des violences» envers les élus, qui ont culminé avec la récente démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique). «Accueillir des gens dans de bonnes conditions un peu partout en France plutôt qu'à la rue en Ile-de-France, sur le principe c'est positif, mais est-ce qu'on s'en donne les moyens?», s'est demandé le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Pascal Brice.
Accueil ou dispersion ?
Le problème, souligne ce responsable associatif, est «qu'il manque des places d'hébergement d'urgence» dans les régions d'accueil, ainsi qu'une «impulsion politique du ministère de l'Intérieur pour un vrai travail d'accompagnement». Car «s'il s'agit de mettre des gens dans les bus» et de ne plus s'en occuper ensuite, «c'est de la dispersion, pas de l'accueil», selon lui.
Eric Constantin, responsable de la Fondation Abbé Pierre en Ile-de-France, dit douter de son côté qu'on puisse «trouver des solutions dignes et décentes en trois semaines» pour sortir durablement de la précarité les personnes réorientées vers les régions. On peut par ailleurs «s'étonner de la concordance de l'arrivée des Jeux Olympiques et d'un programme qui vise à envoyer les migrants en province», ajoute Eric Constantin, qui se demande si le gouvernement a voulu faire en sorte «qu'il n'y ait plus de campement avant que des millions de personnes arrivent en France».