La justice doit se prononcer, ce mardi 2 mai, sur la renationalisation totale d'EDF, contre laquelle de petits actionnaires de l'entreprise ont déposé plusieurs recours.
Annoncé en juillet dernier et chiffré à 9,7 milliards d'euros, le rachat complet d'EDF par l'Etat français ne fait pas l'unanimité. De petits actionnaires, salariés et retraités du fournisseur d'électricité, ont multiplié les procédures pour freiner cette renationalisation. En mars dernier, le parquet général a requis le rejet de leur recours devant la cour d'appel de Paris, mais la justice doit trancher ce mardi 2 mai.
En tant que principal actionnaire d'EDF, l'Etat souhaite ce rachat complet pour libérer l'entreprise de la Bourse et relancer plus facilement le nucléaire en France. En novembre, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait rendu une décision de conformité autorisant le lancement de cette OPA. Mais le gouvernement, qui voulait tout boucler fin 2022, s'est heurté à la contestation de ces petits actionnaires.
Des actions rachetées 12 euros
Le prix auquel l'Etat a décidé de leur racheter les actions qui lui manquent pour contrôler totalement le fournisseur d'électricité est au coeur du problème. Fixé à 12 euros, il est jugé trop faible par les plaignants, qui réclament a minima 15 euros par action. Ils insistent sur le fait qu'à l'ouverture du capital, en 2005, l'action avait été vendue 32 euros, ou 25,60 euros pour les salariés, qui bénéficiaient d'une remise de 20%.
Ce prix de 12 euros a été validé par le rapport d'un expert indépendant mais ces petits actionnaires soutiennent qu'il s'est appuyé sur de mauvaises hypothèses de volume et de prix de l'électricité qu'EDF vendra à ses concurrents. Ils mettent ainsi en cause le mécanisme imposé par l'Etat (Arenh), qui a obligé l'entreprise à vendre son électricité nucléaire à bas prix à des fournisseurs alternatifs, la pénalisant selon eux dans ses recettes.
Jugeant l'entreprise sous-évaluée, l'avocat de ces salariés et retraités d'EDF, Florent Segalen, a souligné le fait qu'en octobre, juste avant d'être nommé PDG du groupe, Luc Rémont lui-même avait estimé que le mécanisme de l'Arenh induisait une «sous-rémunération» de l'entreprise.
«La pire année» pour EDF
Sans compter que «la décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu'a connu EDF depuis sa création en 1946», a déploré l'avocat lors de l'audience devant la cour d'appel de Paris, le 23 mars. Elle a notamment dû gérer des problèmes de corrosion dans les réacteurs, qui ont fait chuter sa production en 2022 et creuser ses pertes.
En parallèle, l'ADAM, une association de défense d'actionnaires minoritaires associée à ce recours, dénonce un possible conflit d'intérêts impliquant l'ex-PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy. Les plaignants estiment que ce dernier n'aurait pas dû prendre part au vote du conseil d'administration d'EDF qui a émis un avis favorable à l'OPA. Ce, en raison de sa fonction de censeur au conseil d'administration de Société Générale, l'un des deux établissements présentateurs de l'offre désigné par l'Etat.
Face à ces différents arguments, l'Autorité des marchés financiers campe sur ses positions. Elle rappelle que son collège s'est réuni «trois fois» pour étayer sa décision sur ce dossier et maintient que cette dernière «est parfaitement conforme à la réglementation». Devant la cour d'appel de Paris, l'avocat d'EDF, Florian Bouaziz, a de son côté fustigé «une contestation cupide», estimant que les plaignants ne réclament pas «une meilleure information» mais «un meilleur prix».
Depuis lors, un certain nombre d'actionnaires ont finalement accepté le prix proposé par l'Etat. Ce dernier, qui détenait 84% d'EDF avant l'OPA, possède désormais 95,94% du capital de l'entreprise.
Le seuil de retrait obligatoire qui permet de renationaliser EDF en forçant les 4% d'actionnaires restant à vendre leurs parts a en outre été «largement dépassé» signe, selon le parquet général, d'une «large approbation» sur le prix. Bercy, qui s'était pourtant engagé à ne pas boucler l'opération avant le fin mot de la justice, a déjà salué un «succès».