Avec la «votation» organisée ce dimanche 2 avril au sujet du maintien ou non des trottinettes en libre-service dans la capitale, l'avenir des 3 opérateurs parisiens – Dott, Lime et Tier – est en suspens. Que risquent-ils à perdre le marché parisien ? Quelles seraient les conséquences économiques pour eux si les Parisiens décident de voter contre les trottinettes ?
Un marché en pleine explosion : c'est ce que pourraient perdre les 3 opérateurs de trottinettes électriques en free-loating – Dott, Lime et Tier – sous contrat avec la municipalité parisienne depuis 2019. Jugées dangereuses, responsables d'un certain désordre dans les rues de la capitale, les trottinettes électriques sont en effet sur la sellette depuis que l'exécutif parisien a annoncé que leur contrat, qui prend fin aujourd'hui, pourrait ne pas être renouvelé. Pour décider, la maire de Paris Anne Hidalgo a donc préféré laisser choisir les Parisiens.
Quitter Paris, mais pas l'Ile-de-France
Et si ces derniers – qui devront répondre à la question «pour ou contre les trottinettes en libre-service ?» – votent majoritairement contre ce dimanche, les 3 opérateurs, pionniers de la mobilité partagée et à la tête de 15.000 trottinettes électriques, devront plier bagage au 1er septembre. Mais ils ne quitteront pas la région parisienne pour autant, puisqu'ils continueront de se déployer en petit couronne, où leur service est particulièrement plébiscité, notamment aux abords des gares pour le déplacement «du dernier kilomètre» et parce qu'ils sont aussi à la tête d'une importante flotte de vélos.
«Si on perd le marché, on continuera d'opérer avec notre flotte de vélos», confirme Erwann Le Page, le directeur Europe des affaires publiques de Tier, qui précise que leurs vélos électriques sont désormais présents dans plus de 80 communes d'Ile-de-France, et près de 57 gares RER et Transilien de la région. En somme, il s'agira selon lui de «réfléchir à des méthodes intelligentes» pour continuer de se développer à Paris qui, comme il le rappelle, est une ville pionnière en matière de mobilités douces.
Quant à la question de savoir ce qu'il adviendra des salariés de l'entreprise, alors qu'environ 800 personnes travaillent aujourd'hui pour les 3 opérateurs, Erwann Le Page répond que la direction «essaiera de faire au mieux», promet que «le social prime» chez Tier et que «toutes les solutions seront étudiées» pour conserver les emplois. «C'est dans l'ADN de notre entreprise, lorsque nous avons été confrontés à la crise Covid, nous avons enregistré 34 euros de chiffre d'affaires au mois de mars 2020, et nous avons gardé tous nos salariés», a-t-il notamment expliqué pour l'exemple.
Même discours du côté de Lime, qui dit posséder «une grosse flotte de vélos». «Il y a une très forte demande à Paris sur les trottinettes mais aussi sur les vélos, on a augmenté notre flotte en conséquence, en passant de 7.000 vélos en 2022 à 10.000 aujourd'hui», annonce Hadi Karam, le directeur général de Lime France, qui assure par ailleurs que, depuis 2022, tous les mécaniciens de Lime «ont été formés aux deux véhicules». «Un avantage» et «une agilité», selon lui, qui pourraient bien permettre de sauvegarder des emplois.
ils «vont continuer à utiliser les trottinettes»
Pour autant, lui espère bien que le marché des trottinettes ne leur échappera pas ce dimanche, affirmant qu'il y avait «toujours plus de demandes sur les trottinettes électriques». «C'est ce qu'on répète depuis longtemps, les gens vont continuer à utiliser les trottinettes», explique-t-il, soulignant qu'il était impossible à ce stade d'évaluer le report modal si c'est le vote «contre» qui l'emporte. «On ne sait pas encore si les Franciliens vont s'acheter leur propre trottinette électrique [...] mais ce sont 400.000 utilisateurs uniques tous les mois qui vont devoir trouver une alternative», lance Hadi Karam.
Mais pour lui, imaginer que Paris – «ville pionnière qui a placé la barre très haut et aujourd'hui copiée par de nombreuses villes mondiales» – puisse se séparer des trottinettes électriques lui paraît impensable. «Ce serait dommage que Paris perde son leadership, alors que d'autres villes européennes comme Londres et même au Etats-Unis avec New York ou Washington lancent leur premier appel d'offres. C'est une tendance mondiale, et c'est ce qu'il se passe dans 250 villes mondiales», témoigne le DG de Lime, évoquant l'année record de son groupe en 2022 : 466 millions de dollars de chiffre d'affaires.
Sauf qu'à Paris, c'est la maire en personne qui fait désormais campagne contre les trottinettes, s'attaquant au modèle «je prends, je jette», qui est selon elle «cher, à la durabilité très contestable, et pose problème dans la mesure où son usage vient par exemple remplacer la marche, ne se substitue pas au métro ou au vélo». Une position à contre-courant de celle du gouvernement, alors que le ministre délégué chargé des transports vient de présenter son plan national de régulation des trottinettes électriques, qu'il qualifie de «nouvel outil de la mobilité durable du quotidien».