Alors que doit se tenir ce dimanche 2 avril la «votation citoyenne» au sujet du maintien ou non des trottinettes en free-floating à Paris, les opérateurs – Dott, Lime et Tier – sont accusés de faire appel à des influenceurs pour pousser les jeunes à aller voter. Une pratique qu'ils assument totalement.
Tous les moyens sont bons pour convaincre. Ce dimanche 2 avril, les Parisiens sont invités à voter «pour ou contre les trottinettes en libre-service» dans la capitale. Une «votation citoyenne» assez inédite, quoi qu'un peu noyée au milieu de l'actualité nationale. Résultat : les 3 opérateurs de trottinettes électriques en free-floating sur la sellette à Paris – Dott, Lime et Tier – ont multiplié les coups de publicité, y compris en faisant appel à des influenceurs sur TikTok et Instagram notamment.
«Il se passe un truc sur TikTok»
«Il se passe un truc sur TikTok : des influenceurs prennent la parole pour encourager les Parisiens à aller voter contre l'interdiction des trottinettes électriques ce 2 avril. Bien sûr, vous voyez où je veux en venir», a ainsi noté le journaliste Vincent Manilève, spécialiste du numérique, laissant sous-entendre que des influenceurs avaient pu être rémunérés pour inciter leur communauté à aller voter ce dimanche.
Il se passe un truc sur TikTok : des influenceurs prennent la parole pour encourager les parisiens à aller votre contre l'interdiction des trottinettes électriques ce 2 avril. Bien sûr, vous voyez où je veux en venir. pic.twitter.com/nO5UVOzmgJ
— vincent d'internet (@vincentmnv) March 29, 2023
Une pratique de «partenariats rémunérés» que ne réfutent pas du tout les opérateurs concernés. Pour Erwann Le Page, le directeur Europe des affaires publiques de Tier, ce n'est pas la forme qu'il faut retenir mais bien le fond. «L'important, c'est le message qu'il y a derrière. Pourquoi faut-il aller voter ? Parce qu'il y a un vrai enjeu environnemental», affirme celui qui est convaincu que les trottinettes électriques sont un outil de mobilité durable qu'il faut maintenir à Paris.
«Aujourd'hui, oui, on travaille avec des influenceurs pour disséminer ces messages», assume-t-il, expliquant utiliser de nombreux autres moyens de communication pour inciter les usagers à aller voter dimanche. «On est concentré à 200 % sur cette campagne, il y a un site en ligne [Trottinons mieux, ndlr], des personnes qui tractent sur le terrain mais aussi un kit de campagne distribué à nos ambassadeurs», énumère-t-il.
Même discours chez son concurrent Lime, où on assume complètement d'avoir «travaillé avec différentes personnes dans le cadre d'une campagne plus large». «On a utilisé tous les canaux de communication existants pour informer le plus de monde possible», assure Hannah Landau, la responsable communication Europe de Lime, évoquant elle aussi le site «Trottinons mieux».
Une pratique qui n'a pas plu à David Belliard, l'adjoint à la mairie de Paris chargé des mobilités, qui a évoqué ces entreprises privées qui «cherchent discrètement à influencer le résultat d'un vote». «Après l'achat de votes, l'achat d'influenceurs TikTok», a-t-il encore lancé, s'interrogeant sur «cet argent dépensé pour sauver le business des trottinettes».
De polémique en polémique
Une polémique qui n'en est pas une selon eux, alors que leur avenir à Paris dépend du résultat de cette «votation citoyenne» complètement inédite, et qui – comme le dénoncent les 3 opérateurs depuis plusieurs semaines – ne sera pas accessible à distance, ni sur Internet, ni par procuration. L'enjeu de réussir à faire se déplacer leurs utilisateurs est d'autant plus important pour eux que Paris, où ils ont déployé 5.000 trottinettes chacun, représente leur plus gros marché.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que l'on reproche aux opérateurs d'aller un peu loin pour pousser leur communauté à aller voter. Fin février déjà, Lime avait été accusé par la municipalité parisienne «d'acheter des électeurs», après que l'opérateur a envoyé un mail à tous ses usagers, les incitant à s'inscrire sur les listes électorales en l'échange de «dix minutes de ride gratuites».
Même chose un mois plus tard, fin mars, lorsque Lime avait à nouveau envoyé un mail à ses usagers avec pour objet «Minuit Porte de la Chapelle, à pied ou à trott ?». «Quoi de plus sécurisant que de filer en trottinette le soir, quand les rues sont vides et que ton imaginaire tente une reconstruction du dernier thriller regardé à 2h du mat' ?», avait écrit l'opérateur, laissant sous-entendre que ce quartier du 18e était dangereux la nuit. Un message «maladroit», avait cette fois concédé Lime.