Le minimum de pension de retraite à 1.200 euros brut est l’une des mesures phares de la réforme des retraites proposée par le gouvernement. Pour en profiter, il faut toutefois répondre à plusieurs conditions qui devraient réduire considérablement son nombre de bénéficiaires.
C’est l’une des mesures les plus symboliques du texte. Alors que le projet de loi de réforme des retraites est actuellement débattu à l’Assemblée nationale, les oppositions pointent du doigt la mesure concernant le minimum de pension fixé à 1.200 euros brut. Dans le détail du texte, pour profiter de cette mesure, il faut notamment avoir validé une carrière complète sans discontinuer, et être resté au SMIC pendant toute sa carrière. Autant de conditions qui devraient considérablement amoindrir son nombre de bénéficiaires.
C’était l’un des éléments de langage couramment utilisé par les membres du gouvernement et les élus de la majorité pour défendre la réforme des retraites massivement rejetée par les Français : le projet est motivé par l’équilibre financier, mais il dispose aussi d’avancées sociales, et notamment pour les petites retraites. À cet égard, l’exécutif a opté pour augmenter de 100 euros par mois le minimum de pension pour une carrière complète, ce qui implique qu’un salarié au SMIC toute sa carrière touchera désormais une pension de 85% du SMIC net, soit environ 1.200 euros brut.
1150 euros net, et pas pour tout le monde
En réalité, l’annonce du gouvernement pourrait matérialiser la volonté du législateur avec 20 ans de retard. La réforme des retraites de 2003, conduite par le ministre des Affaires sociales de l'époque, François Fillon, en faisait déjà état dans son article 4. «La Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85% du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance».
Rien de véritablement nouveau donc, mais surtout une maladresse, volontaire ou non, de communication. En effet, d’une part le SMIC net mensuel est aujourd’hui de 1.335,07 euros, ce qui, une fois ramené à 85%, ne donne pas 1.200 euros brut mais 1.193 euros brut, soit 1.150 net. D’autre part, cette mesure s’adressera finalement à un nombre réduit de personnes pour deux raisons : il faut avoir validé une carrière complète de 42 annuités aujourd’hui, et de 43 à partir de 2027, sans discontinuer. Ce qui n’est pas le cas d’une majorité des retraités les plus pauvres. Et il faut être resté au SMIC tout au long de sa carrière, ce qui réduit encore le nombre de bénéficiaires.
Comme l’objectif est que la réforme soit appliquée à partir du 1er septembre, on peut toutefois imaginer que le gouvernement pourrait revaloriser le SMIC dans l’intervalle, étant donné la persistance de l'inflation cette année. Par ailleurs, il faut 600 heures payées au SMIC pour valider une année (à savoir 150 heures par trimestre, quatre fois).
49% des femmes ont validé une carrière complète
Au total, selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), 75% des hommes et 49% des femmes ont validé une carrière complète, tous niveaux de salaires confondus. Ces chiffres baissent pour les proprotions de retraités dont les salaires sont les plus faibles. En 2019, 14% des retraités avaient un niveau de vie inférieur à 1.230 euros brut par mois. Leur niveau de vie mensuel médian est de 1.060 euros.
Ainsi, si le gouvernement communique abondamment sur une mesure qui devrait toucher «1,8 million de personnes», il s’agit uniquement de la revalorisation pouvant aller jusqu'à 100 euros par mois. Finalement, s'il est difficile d'estimer avec précision le nombre de personnes qui toucheront véritablement une pension minimale de 1.200 euros brut (compte tenu des différences de durées de cotisations effectives), leur nombre sera probablement bien inférieur.
«1,8 million de retraités vont bénéficier d'une revalorisation, qui pourra aller jusqu'à 100 euros en fonction de leur carrière et en fonction de la reconstitution de leur carrière», a ainsi expliqué Olivier Dussopt sur France Inter en confirmant que les 1.200 euros seraient davantage un objectif qu'une somme fixe. «On n'a jamais dit que nous allions donner 1.200 euros à tout le monde», a de son côté assuré le ministre délégué aux Relations avec le Parlement, Franck Riester.