Oumou Sy, française de 28 ans qui avait rejoint la Syrie de 2014 à 2020, intégrant notamment un groupe jihadiste, a été condamnée jeudi 9 février à une peine de sept ans de prison ferme, sans période de sûreté.
Reconnue coupable d'association de malfaiteurs terroriste, pour avoir rejoint la Syrie de 2014 à 2020 et avoir intégré un groupe jihadiste, Oumou Sy, française de 28 ans, a été condamnée jeudi par le tribunal correctionnel de Paris à sept ans de prison ferme, sans période de sûreté. En détention provisoire avant le procès, elle a donc été maintenue derrière les barreaux. Un suivi socio-judiciaire de trois ans lui a aussi été infligé, lorsqu'elle sortira de prison.
La jeune femme a été condamnée au terme d’un procès où les juges ont dû insister pour obtenir des réponses, face à des propos souvent confus. Partie en Syrie en 2014 en suivant son compagnon, Damien Omet, jeune converti qui disait vouloir «défendre les musulmans et faire son devoir», Oumou Sy a d’abord expliqué avoir cherché à fuir un «contexte familial très difficile», marqué par la violence de son grand frère. Issue d’une famille sénégalaise musulmane, mais dans une pratique de la religion plus «par tradition que par conviction», elle a affirmé être partie non pas pour des raisons liées à l’islam, mais pour obtenir sa «liberté». Une réponse effritée par des éléments du dossier, alors qu’elle avait estimé en garde à vue, à son retour dans l’Hexagone en 2021, que «la France est une démocratie, c’est incompatible avec l’islam». Elle avait pointé notamment l’impossibilité de prier quand il le faut ou de porter librement le voile.
«Il y a mieux qu’un pays en guerre pour trouver la liberté», a pointé le juge, qui a longtemps tenté de comprendre si la jeune femme avait connaissance de ce qu’il se passait en Syrie à ce moment-là. Oumou Sy a assuré n’avoir «posé aucune question» à son compagnon et n’avoir pas été associée aux préparatifs du voyage. Même chose concernant les penchants radicaux de son compagnon, pourtant affichés sur les réseaux sociaux. Elle n’en savait rien, a-t-elle insisté.
Une «ignorance» qui agace
Une fois sur place, en janvier 2014, elle avait rejoint le groupe mené par Omar Diaby, figure connue du jihadisme français (appelé également Omar Omsen), leader d’une katiba de combattants, notamment composé de jeunes niçois. Un «groupe qui revendique le jihad armé», avait reconnu l’accusée au cours de la procédure. Là encore, la tâche des magistrats a été de tenter de comprendre la situation vécue par la jeune femme, alors âgée de 19 ans. «La seule chose que je faisais, c’était lire des livres. Le reste c’était invivable», a-t-elle affirmé, en décrivant des journées dans «des bungalows» à faire «des tâches domestiques» et à refuser les différents hommes qui lui étaient proposés pour se marier. Alors qu’il a été documenté que des femmes appartenant à cette katiba ont été entraînées au maniement des armes, Oumou Sy a répondu qu’elle n’en faisait pas partie. Concernant les hommes, «je n’ai rien vu, mais je sais qu’ils s’entrainaient». «Comment avez-vous pu ne rien savoir des activités du groupe en y restant 15 mois ?», s’est questionné le juge. «Nous ne voyions pas les hommes», a-t-elle répondu.
Après ces quinze mois et profitant d’un court mariage d’un mois, Oumou Sy était parvenue à quitter le groupe d’Omar Diaby. Via Facebook, elle avait recontacté Damien Omet, qu’elle allait épouser et avec qui elle allait vivre à Alep puis Idlib.
«Oumou Sy l’éternelle incomprise»
De cette union, dont naîtront deux enfants en 2016 et 2018, Oumou Sy n’a pas semblé se souvenir de beaucoup de détails non plus, notamment concernant les activités de son mari. Les blessures que celui-ci a reçu ? Sa participation à des vidéos de propagande ? L’argent avec lequel la famille a pu vivre ? Rien. Elle a simplement reconnu que son mari était un «combattant investi». Stratégie ou non, la jeune femme s’est beaucoup réfugiée derrière son «ignorance», lors du procès. «J’ai du mal à m’expliquer des choses. J’ai très peu d’explications à vous apporter, je ne sais pas quoi vous dire», a-t-elle insisté, parlant de «blocages», même face aux questions du procureur.
Une «posture» qui a passablement énervé le magistrat, pointant «Oumou Sy l’éternelle incomprise», dont le «récit est inversement proportionnel à la longueur de son séjour en Syrie». Assurant qu’«il y avait autre chose dans son départ» qu’une simple fuite de sa famille, il a estimé qu’elle ne pouvait pas ignorer la radicalisation de Damien Oumet, qui était «manifeste», comme «son intérêt pour le jihad», et avait pourtant choisi de le suivre.
Arrêtée en juillet 2020 près de la frontière turque, elle avait été renvoyée en France en avril 2021, sans ses enfants. Leur absence est d’ailleurs le sujet auquel elle a semblé la plus sensible, réclamant de les voir être transférés en France. Alors que les diverses expertises ont pointé une absence de tempérament prosélyte et de mise en avant d’une idéologie salafiste, son avocat, Me Louis Heloun, avait aussi appuyé sur ce point, lors du procès. Il a demandé à ne pas faire «de la question religieuse le point central du dossier», en notant que le profil de sa cliente ne présentait pas les signaux présents chez d'autres femmes revenues de zone irako-syrienne. Il a pu se féliciter d'une peine moins lourde que les huit ans de prison avec deux-tiers de sûreté réclamés par le procureur. Il ne devrait pas faire appel.