Ce jeudi 24 novembre, plusieurs veillées sont prévues en hommage aux 27 personnes mortes il y a un an, lors de la pire tragédie migratoire survenue dans la Manche.
Le téléphone a sonné, les appels à l'aide ont retenti... mais les secours ne sont pas venus. Dans la nuit du 23 au 24 novembre 2021, 27 migrants ont perdu la vie dans le naufrage de leur canot, au large de Calais. Un an après la pire tragédie migratoire connue dans la Manche, des associations ont prévu de rendre hommage aux défunts.
Le collectif de mobilisation citoyenne Utopia 56 a organisé plusieurs «veillées», ce jeudi 24 novembre. A Paris, les participants se rassembleront à 19h, place de la République, tandis qu'à Dunkerque l'hommage aura lieu à 18h, place de l'Hôtel de ville. Une veillée est aussi prévue sur la place de la mairie de Rennes, à 18h, et une autre à Westminster Abbey, à Londres, à la même heure.
Le 24 novembre 2021, les discours de stigmatisation et de déshumanisation portés par certaines personnalités politiques ont abouti à la mort d’au moins 27 personnes dans la Manche. Un an après, réunissons-nous en leur mémoire.
Ni oubli, ni pardon. pic.twitter.com/El9zqD55hP— Utopia 56 (@Utopia_56) November 20, 2022
«Ni oubli, ni pardon», a écrit Utopia 56, dont l'appel au rassemblement commémoratif a été relayé par Amnesty International. Le collectif estime que la mort de ces 27 personnes, majoritairement des Kurdes irakiens âgés de 7 à 46 ans, est directement liée aux «discours de stigmatisation et de déshumanisation portés par certaines personnalités politiques». «Le 24 novembre 2021, la France a laissé [les victimes] se noyer dans la Manche», accuse Utopia 56.
Un an après le naufrage, la responsabilité des services de secours français et britanniques est en effet mise en cause dans cette tragédie. Une récente enquête menée par Le Monde révèle que les passagers de ce canot avaient appelé les autorités françaises à une quinzaine de reprises pour leur demander de l'aide. En vain.
La retranscription d'une conversation téléphonique avec le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross), chargé des secours dans la Manche, a notamment suscité l'indignation des associations.
Lorsqu'un migrant déclare «Au secours s'il vous plaît (...) je suis dans l'eau», son interlocutrice lui répond : «Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur». L'homme lui assure qu'il se trouve dans les eaux françaises et la supplie de «venir vite», avant que la conversation ne soit coupée. L'opératrice lâche alors : «Ah bah, t'entends pas, tu seras pas sauvé. "J'ai les pieds dans l'eau", bah je t'ai pas demandé de partir».
Des «sanctions seront prises»
Cette nuit-là, le Cross a tenté de joindre à plusieurs reprises les garde-côtes du Royaume-Uni. Mais les documents d'enquête semblent montrer que les deux parties, française comme britannique, ont passé la nuit à se renvoyer la balle. Pendant que les migrants coulaient.
Lors de leurs auditions, les agents du Cross ont mis en avant un manque de moyens qui les oblige «à prioriser». Ils auraient, selon eux, eu à traiter «des centaines voire des milliers d'appels» ce soir-là.
Pour l'heure, dix passeurs présumés ont été mis en examen dans le cadre de ce naufrage. Jeudi 17 novembre, à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat Hervé Berville a indiqué que des «sanctions seront prises» s'il est avéré que «ces personnes étaient dans les eaux françaises et si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur».
Il a précisé qu'une enquête judiciaire était toujours en cours et que «l'administration» avait en parallèle «lancé une enquête interne» dont il y aura «des leçons à tirer».
Un an après ce drame, de nombreux migrants cherchent toujours à traverser la Manche, souvent au péril de leur vie. Ils sont plus de 40.000 à avoir déjà atteint les côtes anglaises cette année : un record depuis 2018. En réaction, Paris et Londres ont conclu un nouvel accord le 14 novembre dernier, visant à renforcer la surveillance des côtes et la traque des passeurs.